24 Janvier 2011
Le dernier acte de la Cerisaie de Tchekhov retrace le départ des anciens propriétaires donnant lieu à des sentiments contrastés. Mais peut-on se séparer de ce qu'on aime ?
Repères : thème de la demeure : l'étude
Nous avons indiqué les deux œuvres, objets de notre étude consacrée à la dépossession, entre perte définitive et résurgence imaginaire :
- la Cerisaie de Tchekhov, jouée pour la première fois en 1904,
- Soukhodol de Bounine, récit publié en 1911.
C'est sous cet angle que nous effectuerons l'analyse de la Cerisaie, qui pose la question de la perte d'une partie de soi. Nous verrons successivement les points suivants :
Il a été indiqué précédemment que la Cerisaie a été acquise par Lopakhine, ancien fils de Moujik. C'est la fin de ce drame.
Le dernier acte retrace le départ des anciens propriétaires donnant lieu à des sentiments contrastés. Le vertige des adieux entraîne de la confusion, des tensions, des cris mais aussi du soulagement. On regarde sa montre ; on fait des projets.
L'abattage des cerisiers est prévu, la maison est fermée à clé jusqu'au printemps.
« Tout finit sans retour possible.»
(Ania, acte IV).
On pense vaguement encore au plus fidèle des serviteurs, Firs, que l'on croit placé à l'asile.
Lioubov contemple pour quelque temps ce domaine qu'elle aime.
"Lioubov (assise)
Je veux me reposer un instant encore. On dirait qu'auparavant je n'ai jamais vu les murs, les plafonds de cette maison, tant je les regarde avidement, avec une affection si tendre... » (acte IV)
C'est enfin le temps de la séparation. Mais peut-on se séparer de ce qu'on aime ?
L'ancien serviteur Firs que l'on a oublié à l'intérieur de la demeure verrouillée emploie des mots d'une résonance poignante :
"Firs (s'approchant d'une porte qu'il essaie d'ouvrir)
Fermé. Ils sont partis... (Il s'assied sur le divan.) Ils m'ont oublié... Ce n'est rien... Je vais me reposer un peu... Et Léonide Andréitch, a encore, à coup sûr, oublié de mettre sa pelisse. Il est parti en pardessus... (il soupire, soucieux.) Ah! là, là, jeunesse inexpérimentée! Je n'y ai pas fait attention, moi... (Il marmonne quelque chose d'incompréhensible.) Voilà... la vie est passée, comme si je n'avais jamais vécu... (Il se couche.) Je vais me coucher un peu... Il ne te reste plus de forces, mon vieux... rien ne te reste, rien... Ah, là, là! Espèce de... propre à rien. (Il demeure immobile.) »
Le bruit de la cognée abattant la cerisaie se fait entendre. Rideau !
La Cerisaie nous montre la vie sans artifices, bouillonnante et qui s'écoule sans que l'on ait de prise....
Cette Cerisaie a influencé l'œuvre suivante de Ivan Bounine qui n'a pas manqué de replacer -avec fidélité- ces arbres fruitiers dans le domaine de Soukhodol...
Repères à suivre : l'étude : Soukhodol ou le pouvoir de l'imagination