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6 Avril 2023
Bac de français : la Gazette vous propose de continuer le MOOC fondé sur la méthode des 6 GROSSES CLEFS. Aujourd’hui, quatrième étape : la conjugaison figurant dans l'incipit d'un Cœur simple de Flaubert. Pour effectuer cette tâche, un petit rappel sur les modes et les valeurs des temps s'impose...
repère : bac : méthode des 6 GROSSES CLEFS©
Poursuivons ensemble l’entraînement à la méthode des 6 GROSSES CLEFS, avec l'incipit d'un Cœur simple de Flaubert :
Gr : grammaire C : Conjugaison
OS : oppositions le : champ lexical
SE : les 5 sens FS : figures de style
Aujourd'hui, nous allons nous intéresser à la conjugaison employée par Flaubert. Il convient au préalable de faire un détour sur les différents modes et leurs valeurs ainsi que sur les principaux temps et leurs valeurs pour que votre analyse soit juste.
Les modes et les temps
Quelle est la différence entre ces deux notions, modes et temps ?
Le mot mode provient du latin modus, la manière. En conjugaison, le mode est donc une manière particulière de penser et de s'exprimer. Il existe deux types de modes :
- les modes personnels où il existe une distinction entre les personnes ( ex : je, tu, ils, la dame, les vendeurs) : il se conjugue en fonction de la personne et du temps.
- les modes impersonnels où il n'y a pas de distinction entre les personnes et ne se conjugue qu'en fonction du temps binaire : présent ou passé
Les modes les plus connus de vous sont les suivants :
- L'impératif sert à donner un conseil, un ordre (latin: imperare) ou à interdire.
- L'indicatif sert à indiquer une réalité objective. C'est le mode le plus utilisé.
- Le conditionnel sert à exprimer une supposition, ce qui dépend d'une condition, ou à parler poliment, ou à exprimer quelque chose dont on n'est pas sûr.
- Le subjonctif sert à exprimer quelque chose de personnel, de subjectif : sentiment, nécessité, doute... Il est presque toujours utilisé avec que.
À l'intérieur de chacun de ces différents modes, le verbe se modifie pour s'inscrire dans une échelle de temps allant du présent, au futur en passant par le passé. Le temps, c'est donc la forme variable du verbe en fonction d'une temporalité choisie.
Vous trouverez un tableau qui reprend ces deux notions sans les confondre.
Il est important que vous compreniez la valeur des temps qui vous permettront de comprendre les intentions de l'auteur.
- L'indicatif est composé de huit temps :
Présent Valeurs : Un fait ou une action en cours (énonciation) Une habitude, Une vérité générale, Une narration dans un récit au passé (pour donner de la vivacité au récit)
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Passé composé Valeurs : Une action terminée avec des effets encore dans le présent
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Imparfait Valeurs : Une énonciation au passé: Une habitude, Une description
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Plus-que-parfait Valeurs : Une action terminée qui a eu lieu avant une autre énoncée à l’imparfait (concordance des temps)
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Passé simple Valeurs : Une énonciation au passé : Une action brève, Une action soudaine,
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Passé antérieur Valeurs : Une action terminée qui a eu lieu avant une autre énoncée au passé simple (concordance des temps)
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Futur simple Valeurs : Une énonciation à venir, Une marque de politesse
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Futur antérieur Valeurs : Une action qui s’effectuera avant celle énoncée au futur (concordance des temps). |
- Le subjonctif a quatre temps :
Présent |
Passé |
Imparfait (rare, pas obligatoire) |
Plus-que-parfait (rare, pas obligatoire) |
- Le conditionnel a trois temps:
présent Valeurs : Énonciation de faits irréels ou possibles en fonction de la condition posée |
passé
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passé 2e forme (rare, pas obligatoire) |
- L'impératif a deux temps :
présent |
passé (rare) |
- L'infinitif n'est pas conjugué. Il peut être employé comme nom. Il a deux temps :
présent Venir à l’école est obligatoire. |
passé |
- Le participe n'est pas conjugué. Il peut être employé comme verbe (dans un temps composé : passif, passé composé, subjonctif passé...), ou seul, comme un adjectif ou un nom. Il a deux temps:
présent |
passé |
- Gérondif et adjectif verbal : ils ne sont pas conjugués. Le premier s’effectue avec un participe présent précédé de la préposition en. L’adjectif verbal s’accorde, lui, en genre et en nombre.
Gérondif |
Adjectif verbal |
Vous êtes désormais en possession des éléments utiles pour rechercher dans l'incipit de Flaubert les éléments ayant trait à la conjugaison.
Conseil : coloriez le verbe dès que le mode/temps change, cela vous donnera une idée sur ce que cherche à dire l'écrivain...
Durée de l'exercice : ne pas dépasser 10 minutes.
Pendant un demi-siècle, les bourgeoises de Pont-l’Évêque envièrent à Mme Aubain sa servante Félicité.
Pour cent francs par an, elle faisait la cuisine et le ménage, cousait, lavait, repassait, savait brider un cheval, engraisser les volailles, battre le beurre, et resta fidèle à sa maîtresse, — qui cependant n’était pas une personne agréable.
Elle avait épousé un beau garçon sans fortune, mort au commencement de 1809, en lui laissant deux enfants très jeunes avec une quantité de dettes. Alors, elle vendit ses immeubles, sauf la ferme de Toucques et la ferme de Geffosses, dont les rentes montaient à 5,000 francs tout au plus, et elle quitta sa maison de Saint-Melaine pour en habiter une autre moins dispendieuse, ayant appartenu à ses ancêtres et placée derrière les halles.
Cette maison, revêtue d’ardoises, se trouvait entre un passage et une ruelle aboutissant à la rivière. Elle avait intérieurement des différences de niveau qui faisaient trébucher. Un vestibule étroit séparait la cuisine de la salle où Mme Aubain se tenait tout le long du jour, assise près de la croisée dans un fauteuil de paille. Contre le lambris, peint en blanc, s’alignaient huit chaises d’acajou. Un vieux piano supportait, sous un baromètre, un tas pyramidal de boîtes et de cartons. Deux bergères de tapisserie flanquaient la cheminée en marbre jaune et de style Louis XV. La pendule, au milieu, représentait un temple de Vesta, — et tout l’appartement sentait un peu le moisi, car le plancher était plus bas que le jardin.
Au premier étage, il y avait d’abord la chambre de « Madame », très grande, tendue d’un papier à fleurs pâles, et contenant le portrait de « Monsieur » en costume de muscadin. Elle communiquait avec une chambre plus petite, où l’on voyait deux couchettes d’enfants, sans matelas. Puis venait le salon, toujours fermé, et rempli de meubles recouverts d’un drap. Ensuite un corridor menait à un cabinet d’étude ; des livres et des paperasses garnissaient les rayons d’une bibliothèque entourant de ses trois côtés un large bureau de bois noir. Les deux panneaux en retour disparaissaient sous des dessins à la plume, des paysages à la gouache et des gravures d’Audran, souvenirs d’un temps meilleur et d’un luxe évanoui. Une lucarne, au second étage, éclairait la chambre de Félicité, ayant vue sur les prairies.
Elle se levait dès l’aube, pour ne pas manquer la messe, et travaillait jusqu’au soir sans interruption ; puis le dîner étant fini, la vaisselle en ordre et la porte bien close, elle enfouissait la bûche sous les cendres et s’endormait devant l’âtre, son rosaire à la main. Personne, dans les marchandages, ne montrait plus d’entêtement. Quant à la propreté, le poli de ses casseroles faisait le désespoir des autres servantes. Économe, elle mangeait avec lenteur, et recueillait du doigt sur la table les miettes de son pain, — un pain de douze livres, cuit exprès pour elle, et qui durait vingt jours.
En toute saison elle portait un mouchoir d’indienne fixé dans le dos par une épingle, un bonnet lui cachant les cheveux, des bas gris, un jupon rouge, et par-dessus sa camisole un tablier à bavette, comme les infirmières d’hôpital.
Son visage était maigre et sa voix aiguë. À vingt-cinq ans, on lui en donnait quarante ; dès la cinquantaine, elle ne marqua plus aucun âge ; — et, toujours silencieuse, la taille droite et les gestes mesurés, semblait une femme en bois, fonctionnant d’une manière automatique.
Flaubert, Un Cœur simple
repère à suivre : analyse de la conjugaison par un quiz