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Analyse-Livres & Auteurs-Culture & Éducation par la littérature

Gazette littéraire

Commentaire composé de "la Guêpe " extrait du recueil "la Rage de l’expression" (Ponge)

Nous arrivons au bout de l'entraînement à l’analyse et au plan en vous reportant à la méthode 6 GROSSES CLEFS © et du plan type CIIGARE. Voici donc le commentaire composé rédigé dans son développement.

commentaire, composé, la guêpe, Ponge,

 

repère : La Rage de l’expression : analyse

Achevons le commentaire composé fondée sur la méthode 6 GROSSES CLEFS et le protocole “scientifique” :

Correction

Aujourd'hui, corrigeons les trois exercices précédents : 

  1. Un discours sur un insecte 
  1. Un  engagement poétique original

A.Cadre spatio-temporel :  Un moment redouté

A.Genre : Une fable argumentative

B.Intérêt du texte : Une guêpe bien humaine 

B.Argumentation de l’auteur : Un engagement poétique

C.Impressions : Un combat à mort 

C.Registres : un registre ironique et tragique

Choisir la meilleure problématique : 

Comment Francis Ponge conçoit-il la guêpe  ?  (trop particulier)

Comment Francis Ponge montre-il sa rage de l’expression ? (trop général)

Comment Francis Ponge conçoit-il l’écriture poétique  ? possible

Comment Francis Ponge bouleverse la poésie ? (trop général)

Comment Francis Ponge au travers de son discours sur l’insecte renouvelle-t-il l’art poétique ?

Commentaire composé 

  1. Un discours sur un insecte …

Ce poème consacré à la guêpe se situe dans un temps déterminé, celui de la rencontre avec l’humain (A), avec le choix de personnaliser l’insecte en lui prêtant les traits tellement humains avant de traiter de l’intensité du combat mortel (C) : tout ceci n’est que prétexte à un discours moins entomologique et plus humain.

A. Un moment redouté 

Le poème se situe au moment de la mort de la guêpe sur un terrain indéterminé (1) et durant un laps de temps très court (2). 

1) Le texte ne comporte pas de cadre spatial précis, ce qui est original pour une description entomologique : extérieur ou intérieur, nul ne le sait. On trouve seulement une opposition vague entre le “monde” qui s'oppose à “la vie intérieure”. Pourquoi cette indifférenciation entre les deux  ? Et pourquoi est-elle placée à la fin du poème ? 

L'auteur cherche moins à évoquer un lieu que l’affrontement lui-même. Il concentre sa démonstration sur la piqûre de l’insecte suggérée par le point de ”contact”, qui est un euphémisme. Ponge emploie un terme relatif à un mouvement dynamique avec le même mot  répété trois fois pour en souligner toute l’importance. 

2) La conjugaison invite aussi à préciser le contour du cadre poétique : on assiste à un déroulé extrêmement bref avec le présent d’énonciation figurant dans le texte du début “on me dit” jusqu'à la fin : “reçoit une petite tape - et tombe aussitôt”. Le temps récent est exprimé au passé composé “s’est mise en colère”/”a frappé” avant de voir le futur : “la moindre dispute tournera”. Ponge choisit de placer le cycle de la vie avec ces trois formes de conjugaison. Cet instant est court à l’image de l’existence de l’insecte. On assiste aussi à une personnification de la guêpe.

B.Une guêpe bien humaine 

La guêpe joue un rôle central à la différence de l’humain (1) et se voit douée de parole (2).

1) prépondérance de la guêpe

Notons tout d’abord que la guêpe est expressément nommée “elle”/”la guêpe” : le poète lui donne toute l’importance avec un effet mélioratif. Dans cette narration, elle est l’objet du discours poétique : tout converge vers elle avec cette affirmation contenant le comparatif de supériorité : “Mais la punition paraît plus sévère pour la guêpe, qui meurt à coup sûr. “ 

On ne précise pas à qui ou à quoi elle est comparée sinon de manière allusive. En effet, l’humain n’est pas nommé : il est simplement suggéré dans le pronom impersonnel “on”/, puis vaguement défini avec ”vous”/”le vôtre” : c’est pour souligner son insignifiance face à l’insecte qui se voit attribuer de surcroît des traits qui ne lui ressemblent pas.

2) parole humaine

Ponge crée une prosopopée, il permet à la guêpe de prendre la parole. Le langage lui est, en effet, avec l’utilisation du pronom personnel “je” dans la deuxième partie du poème écrit au discours direct. On assiste aussi à une personnification de la guêpe qui pense et qui s’exprime comme un humain “dit-elle”/”s'il me fallait dire ce que je pense !”/ “réponse”. 

La ponctuation très importante dans cette deuxième partie du texte au style direct achève de donner de la nuance aux propos de l’insecte avec notamment les points de suspension qui sous-entendent, ”s'il me fallait dire ce que je pense !...” et les deux points qui se veulent explicatifs : "J’entrerai en frénésie”. 

Les occupations de la guêpe sont purement humaines comme le suggèrent les termes “train-train”/”activité somnambulique"/“vie intérieure”. On voit que les traits humains servent à donner à l’insecte les contours d’une conscience.

Ponge décrit enfin le caractère de la guêpe en le rapprochant de celui de l’être humain ; la violence est dans sa nature : “ les arguments extrêmes, les injures, les coups- “ on note une gradation descendante : ce discours belliqueux devient de la lassitude “laissez-moi” : cela montre la versatilité de l’être humain. Il reste que la lutte avec l’homme est pour l’insecte un combat mortel.

C.Un combat à mort 

Ponge décrit donc la guêpe par rapport à l’homme avec le champ lexical (1) et l’utilisation de deux sens majeurs.

1) le champ lexical du combat

On relève curieusement le champ lexical du combat pour souligner l’opposition qui règne entre eux : il mêle des mots de nature différente, stratégique, psychologique, juridique afin de rendre compte de la complexité des liens:

“guerre”/”justice”/”adversaire”/”punition”/”défensive”/”hostile/”colère”/ ”coups”/”épée”/”dard”. 

Ponge insiste également sur l’hostilité entre l’homme et l'insecte avec, cette fois, le recours au vocabulaire familier, “si je me laisse aller”. 

2) les sens

Le poète utilise les verbes relatifs au sens du toucher ; ils sont marqués par la violence : “contact”/“frappé”/”tape”/”écraser” : il s’agit de verbes hyperboliques pour la guêpe évoquer une simple piqûre ; ils ne sont pas exagérés pour l'homme lorsqu'il tue l'insecte.

Dans ce face à face, le goût est aussi à l’œuvre avec “vous me dégoûtez trop, m’êtes trop étrangers.” Là encore, l’exagération est manifeste du côté de l'insecte. La posture de la guêpe est humaine, un peu trop humaine dans ce poème. On voit donc que l’approche entomologique n’est que prétexte à un discours poétique.

II….À un engagement poétique original

On a vu que la description entomologique n’est qu’un prétexte manifeste à un discours poétique engagé. Ponge propose, en effet, un poème en prose d’un genre original (A) rejetant la forme traditionnelle. Son entreprise poétique repose, en effet, sur “la Rage de l’expression“, soit l’étirement infini du sujet. Il procède en définissant la guêpe de manière scientifique tout en procédant à une quête toute poétique. L’argumentation du poète se lit entre les lignes (B) et repose sur l’emploi de deux registres (C).

A.Une fable argumentative 

Ponge a fait naître dans ce poème à la fois une argumentation poétique (1) et une fable animalière (2) lui conférant une vraie singularité.

  1. une argumentation poétique

Cette argumentation repose sur des modes de conjugaison (a), une démarche précise (b) et le champ lexical du procès (c). 

a) modes d’expression

On relève, sur la forme, l’emploi des quatre modes d’expression destiné à montrer la brillance de l’argumentation. Ainsi le présent de l’indicatif introduit le débat par deux questions précises : “qu’est-ce qu’on me dit ?” Ce temps a une valeur d’énonciation immédiate que l’on retrouvera dans le passage écrit au style direct : “Je me connais”. Il est à noter que l'indicatif entraîne l'utilisation du conditionnel comme moyen d’évoquer des hypothèses : “Ce serait assez bonne image pour la guerre”/”j'y laisserais ma vie“. En outre, on trouve, l’impératif ayant une valeur de conseil : “Ne discutons pas/Laissez-moi/Retardons”. Enfin le subjonctif a pour vocation à exprimer le mode de la réflexion : “Qu'on me laisse donc tranquille”. On a donc quatre modes de pensée qui ont tous le même objectif, rendre compte d’un travail du poète sur la langue. 

b) démarche argumentative

Ponge adopte au fond une démarche argumentative avec le recours aux tournures impersonnelles au début et à la fin du deuxième paragraphe : “il lui faut”/”Il est donc évident”. Il utilise de nombreux connecteurs logiques : “donc”/”pourtant”/”alors/”mais/pourquoi/parce que”. Quelle est donc son argumentation ? Il part d’un constat, “Il lui faut donc plutôt éviter tout contact” pour aboutir au même résultat : “répétons-le, (...) qu'elle doit plutôt éviter tout contact,” : avec cette répétition, on a donc une argumentation à la fois conclusive et circulaire. 

Le poète se fonde sur une problématique impossible : empêcher l’insecte de mourir. Les détails du combat sont précis dans le style naturaliste : “ Qu'elle laisse son dard dans sa victime et qu'elle en meurt” : on note la concomitance entre la piqûre et la mort de la guêpe.  

c) le champ lexical du procès

Le poète utilise le champ lexical du procès exprimé par le groupe nominal, “justice immanente” et les noms “punition”/circonstances atténuantes” /”intérêt”/”les deux parties”. On est sur une démonstration juridique tentant de rétablir l’équation au bénéfice de l’insecte. Ponge le fait en posant une question : “ Pourquoi ?”  

Il donne immédiatement la réponse, ce qui montre que l’interrogation est purement rhétorique comme dans une plaidoirie : “parce qu’elle a eu le tort ”, qui est une locution conjonctive de cause. Il en examine les causes au dedans de l’insecte : “Faisant preuve d'une susceptibilité exagérée (par suite de peur, de sensibilité excessive sans doute…“) : on a affaire, cette fois, à une analyse psychologique avec cette gradation croissante “susceptibilité”/”peur” et cette redondance “susceptibilité exagérée”/”sensibilité excessive”. On voit l’effort du poète pour justifier l’attitude de la guêpe.

2. une fable animalière

Le poète se tait désormais pour laisser entendre la voix de l’insecte : on entre dans le genre de la fable animalière. Notons les différents paragraphes avec des propositions simples destinées à montrer six motifs d’évitement de l’homme par la guêpe. 

On peut considérer l’aspect décroissant des raisons allant de la xénophobie “trop étrangers” à la lassitude “qu’on me laisse tranquille”. Entre les deux extrêmes, on a la violence avec “arguments extrêmes, les injures, les coups-le coup d'épée fatal” relevons sur ce point le rythme quaternaire avant enfin l’incompréhension : “J'aime mieux ne pas discuter./“Nous sommes trop loin du compte.” L’argumentation semble convaincante, mais la chute de l’histoire permet de déceler la position réelle du poète.

B. Un engagement poétique 

L'argumentation et la fable font jusque-là la part belle à la guêpe dont les propos mettent en évidence sa supériorité intellectuelle. L’insecte, qui occupe la figure centrale du poème, domine l’humain. Le texte débouche pourtant sur une chute brutale (1) invitant à comprendre entre les lignes la nécessité d’un engagement dans la vie (2).

  1. chute brutale

Ponge réalise un tour de force en une seule phrase. L’effet saisissant découle ainsi des trois propositions que l’on décompose en deux coordonnées “elle reçoit/et tombe” et une juxtaposée : “il n'y a plus qu'à l'écraser.” Les actions courtes s’enchaînent chronologiquement jusqu’à la mort. 

Le connecteur logique “Là-dessus,” rompt brutalement avec le discours direct pour revenir à la narration. Le poète ne s’exprime plus. Un narrateur prend le relais.

Le récit repose désormais sur un point de vue omniscient : le narrateur voit tout : “reçoit/tombe” et sait tout avec la tournure restrictive “il n’y a plus que”.

On relève que la guêpe qui était un sujet actif précédemment perd de son prestige :  “elle reçoit …une tape” formulation à connotation péjorative et passive. 

Ponge va plus loin avec la gradation descendante qui se poursuit : la guêpe s’annihile en devenant simple complément d’objet direct avec le pronom personnel l’:  “à l'écraser”.

2. l’engagement

La morale de la fable est cruelle pour la guêpe qui a imité les travers humains et notamment la vaine discussion : “dire”/penser”/”arguments/”injures”. De plus, son individualité et sa lâcheté sont aussi mises en exergue : “guerre qui ne paye pas”/“éviter le contact”/“Laissez-moi à mon train-train, vous au vôtre.” La confrontation au monde est incontournable, elle est le signe du vivant dans cette lutte dont le poète rend justement compte.

Il faut remettre ce texte dans le contexte de son écriture durant l’année 1943. Il s’agit d’un appel à agir et non plus à esquiver. C’est un poème sur le combat par les actes ; il définit le but de la poésie qui se voit comme une expression engagée.

La phrase de la guêpe au conditionnel avec ses trois conditions “si jamais” montre hélas toutes les compromissions humaines avec le réel :  “Si jamais j'acceptais le moindre contact avec le monde, si j'étais un jour astreinte à la sincérité, s'il me fallait dire ce que je pense !... j'y laisserais ma vie en même temps que ma réponse - mon dard”. La fable naturaliste rappelle certes la loi du plus fort, mais elle invite l’homme à lutter et à s’engager au péril de sa vie. 

C.Un double registre 

L’auteur recourt à deux registres : ironique et tragique. L’argumentation repose tout d’abord sur le registre ironique qui se sert de celui faussement didactique : le poète feint de délivrer un message auquel il croit. Il le fait avec des tournures affirmatives, certaines, péremptoires. Trop péremptoires pour être sincères comme l’impératif “répétons-le” le suggère ainsi que les répétitions/redondances évoquées précédemment et l’argumentation circulaire.  

L'ironie perce aussi sur la façon  dont la guêpe s’exprime, de manière relâchée, dans un langage particulièrement familier : “Je me connais, se dit-elle : si je me laisse aller, (...) je ne me connaîtrai plus.” Les dernières paroles présentent graduellement un aspect, cette fois, larmoyant : “Qu'on me laisse donc tranquille ; je vous en supplie”. On voit des termes exagérés évoquant la lassitude :  “ Laissez-moi (...) À mon activité somnambulique, à ma vie intérieure”. Les paroles de la guêpe forment une pluralité d'expressions, un jeu du langage qu’aime particulièrement Ponge.

Le registre tragique est le seul qui soit évoqué sans exagération : le thème de la mort est présent tout le long du poème “qu'elle en meurt “/ “au tragique“/”fatal”. C’est la commune destinée de la guêpe et de l’homme, l’invitation à agir dans ce monde d’ici-bas.

 

 

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