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Analyse-Livres & Auteurs-Culture

La baronne Dudevant et ses premiers écrits

 

George Sand est devenue un écrivain majeur du XIXe siècle. On sait moins les motivations qui l'ont poussée à se lancer dans une carrière littéraire. 

 

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Repères :  George Sand  : vie de famille

 

Dans l’article précédent, nous avons vu la considération extrême qu’elle porte à ses enfants, Maurice et Solange. Il est temps d’aborder la date à laquelle la plume a été prise par l’auteure.

Nécessité

Très vite, Aurore comprend que les revenus de Nohant ne permettent pas de vivre sans constituer des dettes. À l’instar de sa mère, elle est habile de ses mains et cherche à vendre les objets d’artisanat qu’elle réalise elle-même. Il s’avère que cette activité est à la fois prenante et peu rentable. Elle peint aussi, mais cette entreprise n’est pas davantage lucrative. Aurore va découvrir que l’exercice de la plume lui paraît manifestement plus simple. 

Correspondance

C’est à la faveur d’échanges épistolaires que Aurore Dudevant a compris que ses écrits suscitaient de l’intérêt voire de l’admiration de ses interlocuteurs. Elle s’étonne volontiers de la facilité de voir sa plume courir sur la feuille. Elle se plait même dans l’exercice qui la distrait de sa vie morne à Nohant avec Casimir et ses enfants. Mais ce n’est pas encore une vocation, mais juste un moyen pour elle de subvenir aux besoins du ménage.

 

En août 1829, elle se lance alors en secret dans des courts récits souvent autobiographiques, comme celui de ce voyage en Auvergne. La narratrice se trouve avec son mari et son fils au mont d’or. Il pleut et elle s’ennuie. Que faire ? Écrire, mais à qui ? Et si elle rédigeait ses mémoires, projet qu’elle entreprend dans l’espace d’une demi-journée sous un ton primesautier et léger. 

 

Extrait : 

***

« (…) On ne dînera que dans deux heures. Il m’est impossible de m’amuser de rien avec suite aujourd’hui. J’ai la tête fort malade. En vain j’ai cherché tous ces jours passés à m’étourdir par la fatigue. Ce chagrin, ce chagrin ne sait pas dormir et ne veut pas se taire. Ô angoisse !…

Au fait, si je me plaignais moi-même ? Comme ce serait nouveau, ce pourrait me distraire.

Si je me racontais mon histoire ? C’est une bonne idée. Écrivons des mémoires.C’est un genre à la portée de tout le monde, et cela fera bon effet. Les pensées d’hier feront diversion à celles d’aujourd’hui. Mais surtout pas un mot du présent. Je l’écrirais avec une plume de feu trempée dans du fiel. Aussi bien, puisque me voilà écrivant mon voyage, je suis bien aise qu’il y ait de tout, et que la chose dont il soit le moins question, soit précisément mon voyage. Commençons.

Ferai-je une préface ? Oui. Il en faut une. C’est indispensable et je veux faire un ouvrage complet. Passons à la préface.

MÉMOIRES INÉDITS PRÉFACE

J’écris mon histoire pour me désennuyer. (Fin.)

Bien. Je ne vois pas ce qu’on peut dire de plus et de mieux. Cela est véritable, positif, clair, concis. On voit tout d’abord ce que je veux dire. Passons au chapitre Ier, pour suivre les règles de l’art, il faudrait faire un peu l’histoire de mes parents et même remonter à celle de leurs parents à la seconde ou troisième génération. Mais comme je n’ai pas le temps et que je prétends finir mon ouvrage avant de dîner, je passe à ma propre histoire.

CHAPITRE Ier

Je naquis dans la rue Mélée l’an 12 de la république. Ma mère était au bal. J’arrivais entre la chaîne anglaise et la queue du chat.

 (…)

VI

Quand j’eus seize ans, on s’aperçut comme j’arrivais du couvent que j’étais une jolie fille.

J’étais fraîche quoique brune. Je ressemblais à ces fleurs de buisson, un peu sauvages, sans art, sans culture, mais de couleurs vives et agréables. J’avais une profusion de cheveux presque noirs qui sont devenus depuis presque blonds. En me regardant dans une glace, je puis dire pourtant que je ne me suis jamais fait grand plaisir. Je suis noire, mes traits sont taillés et non pas finis. On dit que c’est l’expression de ma figure qui la rend intéressante. Et je le crois car en me regardant de sang-froid, comme je me regarde toujours, je n’ai jamais pu comprendre comment on a fait attention à moi. Mes yeux, qu’on a vantés souvent, me semblent froids et bêtes. D’où je conclus qu’il faut qu’une femme s’aime beaucoup pour avoir de l’expression dans la figure lorsqu’elle se regarde et pour se trouver jolie. Si je me voyais dans les yeux de quelqu’un que j’aime, je serais sans doute plus contente de l’ouvrage de ma mère.

(…)

XXI

Je partis pour les Pyrénées… Qu’est-ce que j’entends là ? Déjà le dîner ?J’ai donc bien rêvassé au lieu d’écrire ! Oui, j’ai fait une pause après chaque chapitre et les deux heures sont écoulées, et je n’en suis qu’à la moitié. Que dis-je ? Je ne fais que commencer… Allons, ce sera pour un second volume, en attendant, envoyons celui-ci à un libraire, à M. Panckouke ou à M. Ladvocat ? À M. Ladvocat :

Monsieur, je vous envoie mon ouvrage. Il est bon, c’est moi qui vous le dis.

Je suis avec considération, (…)

Voyage en Auvergne,

https://fr.wikisource.org/wiki/Voyage_en_Auvergne

 

 Elle se garde de le publier encore, il reste dans un tiroir. Il sera publié à titre posthume avec d’autres manuscrits de jeunesse.

 

Repère à suivre : les premiers moments de la baronne Dudevant à Paris 

 

 

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