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Analyse-Livres & Auteurs-Culture

L'exil en partage sur la mer (Claudel)

 

Le partage de midi de Claudel met en scène une géographie particulière de l'exil. Sur un paquebot, les quatre protagonistes de l'action quittent la France pour la Chine...

 

 

thinker Rodin statue exil Claudel partage midi

Repères : thème du partage : l’étude

 

Dans l’article précédent, il a été présenté la problématique du partage dans le drame de Claudel joué en 1906, le partage de midi.  Abordons, si vous le voulez bien, le premier point commun entre les protagonistes de l’action, l’exil. 

 

Exil

 

C’est à bord d’un paquebot que les quatre protagonistes de l’action se retrouvent sur une mer atone et sous un soleil de plomb en plein midi. Cette lumière irradiante et cette chaleur suffocante servent de prétexte à une conversation civile. Sur le pont, on y rit, on y badine. 

 

Au travers de ces échanges banals se manifeste un tout autre discours, plus sérieux, qui se porte en premier lieu sur l’espace et sur le temps. Il s’agit de marqueurs prépondérants pour définir l’exil voulu par certains lorsqu’il est imposé pour d’autres…

 

Étudions aujourd'hui la question de la géographie au travers des époux de Ciz, d'Amalric et enfin de Mesa.

 

Espace

 

Sans repères au milieu de nulle part, les quatre personnages réunis à l’acte I devisent gaiement sur le pont du paquebot qui les conduit de France en Chine. L’immensité de la mer offre une parenthèse entre deux espaces, l’un qu’ils ont connu et l’autre qu’ils vont (re) découvrir. Pour ces personnages, on mesure une géographie à données variables qu’ils partagent avec leurs mots, avec leur être.

 

Couple

Pour les époux de Ciz, c’est naturellement une aventure dans laquelle ils ont engagé toute leur vie en même temps que celle de leurs enfants. Ysé dit en effet :

« Et moi, je n’ai de place nulle part. Une chaise longue ficelée sur la malle, un paquet de clefs dans mon sac.

Voilà mon ménage et mon foyer ! »

(Acte I)

 

À mesure du déroulé du drame, on comprend rapidement que son époux, au tempérament fougueux et égoïste, voit dans cette installation en terre lointaine, une opportunité professionnelle. Il n’hésite pas à se placer ostensiblement auprès de Mesa qui occupe un poste à responsabilités. Ce dernier est le seul en mesure de lui offrir un emploi lucratif. À l’acte II, l’ambitieux consent même à abandonner quelque temps femme et enfants à cette fin.

 

De son côté, Ysé par légèreté est le plus souvent inconsciente des dangers de l’entreprise. Elle en éprouve parfois un véritable vertige qui l’oblige à se soucier de ses enfants. Sur ce bateau, la maternité reste un point de repère tangible. Mais ce ne sera que pour un temps. Il semble néanmoins que le spectacle de l’immensité s’offrant à elle est celui qui lui décille les yeux. Les retrouvailles avec un dernier personnage, Amalric, qu’elle a aimé jadis, l’amène à porter un regard sans complaisance sur sa vie conjugale

"Ysé.

(…) Il ne m’aime pas !

Il m’aime à sa manière. Il n’aime que lui. Je me souviens de notre nuit de noces.

Et tous ces enfants que j’ai eus coup sur coup ! Car il y en a un que j’ai perdu.

Les fuites, les craintes, les aventures ! Tant d’années de ma jeunesse que voilà passées !"

(Acte I)

 

Pour elle, la Chine augure d’une vie d’exil qui ne fait que se poursuivre au même rythme ternaire.

 

Amalric

 

Pour sa part, Amalric profite du spectacle pour évoquer avec Ysé, l’orgueilleuse, leur prime rencontre. Une même géographie de leur passé les réunit : deux êtres qui se sont connus déjà sur un paquebot voguant sur une autre mer. Cependant, loin d’être une affaire réfléchie, il s’agit pour ce séducteur d’une occasion trop belle pour tenter l’aventure ; il aimerait en effet posséder cette femme, comme « une jument de race » (Acte I). Il aborde la vie avec une absence de sérieux manifeste ; il gagne et perd. Ainsi va la vie ! 

 

Ce nouveau départ en Chine est un motif supplémentaire de jouir de l’existence. C’est un exil finalement joyeux qui s’annonce pour lui.

 

Mesa

 

Commissaire des douanes, Mesa est le seul à ne pas goûter à la joie de la traversée. Il s’est en effet embarqué malgré lui, ce qui constitue le paradoxe d’une situation encore mystérieuse. C’est un exil bien amer pour l’homme qui cache une douleur intime. Ténébreux, notre personnage n'attend rien de ce voyage. 

 

Et pourtant sur l’immensité des flots, cette détresse va céder devant un amour absolu. C’est alors que la géographie de la pièce se juxtapose à la question du temps.

 

Repère à suivre : l’exil, la question du temps (Claudel)

 

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