Analyse-Livres & Culture pour tous
16 Mars 2020
Bac 2020 : la modernité du recueil Alcools d’Apollinaire repose sur les deux poèmes portant des titres emblématiques. Tout les oppose, le lieu qui est clos, et le temps faisant référence au premier mois du calendrier révolutionnaire. Nous voici dans des perspectives différentes, l’une qui s’achève, l’autre qui débute.
Repères : thème de la modernité poétique : étude
Dans l’article précédent, nous avons examiné l’entreprise poétique d’Apollinaire concernant le travail du vers et de la strophe. Découvrons aujourd’hui les deux plus grands poèmes aux extrémités du recueil, Zone et Vendémiaire, le choc de deux mondes.
Les deux poèmes portent des titres emblématiques. Zone constitue un lieu alors que Vendémiaire une date. Le lieu et le temps se répondent ainsi dans Alcools.
La zone est en outre un lieu clos et donc limité alors que Vendémiaire rappelle le premier mois du calendrier révolutionnaire. Nous voici dans des perspectives différentes, l’une qui s’achève, l’autre qui débute. Ces oppositions se poursuivent tout le long de la lecture croisée des deux poèmes.
L’ancien monde répond au nouveau, en conservant la même unité de temps (24h) et de lieu avec la convergence vers Paris. Les oppositions sont nombreuses quant à la tonalité tragique du premier et glorieuse du second. La soif ne revêt donc pas le même sens dans les deux poèmes.
Cette ivresse de la vie consume et tue dans Zone :
« Et tu bois cet alcool brûlant comme ta vie
Ta vie que tu bois comme une eau-de-vie
Tu marches vers Auteuil tu veux aller chez toi à pied
Dormir parmi tes fétiches d’Océanie et de Guinée
Ils sont des Christ d’une autre forme et d’une autre croyance
Ce sont les Christ inférieurs des obscures espérances
Adieu Adieu
Soleil cou coupé »
https://fr.wikisource.org/wiki/Zone
Dans Vendémiaire, on assiste à une autre ivresse dans Vendémiaire.
« Je suis ivre d’avoir bu tout l’univers
Sur le quai d’où je voyais l’onde couler et dormir les bélandres
Écoutez-moi je suis le gosier de Paris
Et je boirai encore s’il me plaît l’univers
Écoutez mes chants d’universelle ivrognerie
Et la nuit de septembre s’achevait lentement
Les feux rouges des ponts s’éteignaient dans la Seine
Les étoiles mouraient le jour naissait à peine :
https://fr.wikisource.org/wiki/Vend%C3%A9miaire
C’est bien l’éloge de la vie poétique.
Il vous est proposé un tableau récapitulatif :
Zone |
Vendémiaire |
Matin au soir
|
Soir au matin |
Lassitude de l’ancien monde
|
Aspiration à un nouveau monde |
Alcools : Brûlure de la vie
|
Alcools : soif d’une vie renouvelée |
Vision mélancolique
|
Vision de gaité et d’espoir |
je=tu être mortel
|
vous/le moi glorieux |
éléments biographiques dans l’errance du héros convergeant sur Paris : Méditerranée-Prague-Marseille-Coblence-Rome-Amsterdam-Paris |
éléments biographiques dans l’errance du héros convergeant sur Paris : villes de province-Sicile-Rome-Coblence-Paris |
univers urbain : rue, bruit, lumière, mouvement
|
univers urbain : rue, calme, obscurité, écoute, mouvement |
moyens de communication et de locomotion
|
/ |
usine
|
usine |
angoisse, amour déçu
|
exaltation |
fable chrétienne
|
Apocalypse |
sacré et fétichisme
|
sacré mystérieux |
monde de la nuit (bar, prostitution) |
L’aube |
/
|
septembre, |
nature
|
raisin |
vie
|
univers |
adieu
|
accueil |
mort
|
immortalité de la poésie |
Dans l’article suivant, nous verrons le choc des langages.
Source : Marie-Jeanne Durry, Alcools d'Apollinaire, société d’édition de l’enseignement supérieur, 1964, tome 3.
repère à suivre : le choc des langages