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Analyse-Livres & Auteurs-Culture

Le feuilleton de la Gazette : le portrait de Lady Catherine Johnston (1)

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  (Les Quatre Livres de l'architecture par Andrea Palladio)

 

Repères : thème de l'Art : le feuilleton

 

Johnston Park dans le Surrey, magnifique demeure palladienne du 18ème siècle, en brique rouge, accueillait ses hôtes sur un perron de pierre doté de quatre colonnes à feuilles d'acanthe. Tout visiteur pénétrant dans les lieux se voyait invité à attendre dans l’impressionnant hall de marbre blanc aux ornements richement travaillés, autour d'un âtre immense allumé dès les mauvais jours. Le plafond peint représentait les neufs muses inspiratrices des arts effectuant une ronde. De nombreuses sculptures d'esclaves rappelaient l'origine de la fortune des propriétaires de ces lieux, liée aux lointaines colonies anglaises, notamment au commerce de la canne à sucre. Des tentures de velours rouges pendaient aux fenêtres. Puis après avoir laissé ses yeux parcourir ce décor digne d'un théâtre, le visiteur se voyait introduit dans un de ces petits salons confortablement meublés aux tentures distinctes. Le salon jaune ouvrait sur le salon vert dans l’aile nord tandis que les intimes de la maison se tenaient dans le boudoir rouge carmin situé dans le côté opposé.


Si de surcroît l'invité était de marque, il se trouverait nécessairement destiné à parcourir avec l'hôte des lieux la galerie de vingt-cinq mètres de long, percée de larges baies, comportant une impressionnante collection de toiles de maîtres. Au centre de l'immense pièce, trônait en majesté, le portrait de pied en cap, plein de dignité de Lady Catherine Johnston peinte par Gainsborough : l'aïeule apparaissait en tenue de bal tenant son éventail, son autre bras délicatement placé sur le pli de sa robe de soie verte brodée et rehaussée de fines dentelles. Ce tableau était vénéré tant par la qualité de l'œuvre que par le culte voué à l'épouse du bâtisseur de l'édifice. On s'autorisait -en cette seule occasion- à être un peu sentimental. Ce cadre prestigieux servait de salle de bal durant la période des réceptions et de salle de jeux par temps mauvais.

 

Précisément en ce jour pluvieux de l'hiver 1920, deux jeunes garçons de six et neuf ans s'amusaient aux quilles dans cette somptueuse pièce d'apparat. Nullement gênés par les atteintes éventuelles aux objets rares et précieux, dédaigneux même du luxe qui les entouraient non par malice, mais par l'habitude prise de vivre parmi ces mille et une pièces de collection, les enfants de Lord Johnston se débattaient dans une partie acharnée émaillée de disputes tout autant que de rires. L'allure de l'aîné Charles, véritable échalas, blond, lymphatique, aux yeux bleus, tranchait avec la rondeur de Thomas, son cadet d'un blond vénitien aux tâches de rousseur. La surveillance des enfants s'effectuait de loin par la gouvernante assise dans un fauteuil près de la vaste cheminée de la galerie où flambait un feu crépitant. C'est qu'il faisait froid en cet après-midi où le crachin persistant rendait l'horizon insaisissable. Le temps paraissait long et morne.


Changeant de jeux, il fut convenu entre les enfants de se lancer dans un concours de glissades effrénées sur le parquet dûment ciré. Ce ne fut que lorsque la course du plus jeune finit aux pieds de l’aïeule, que ce dernier, saisi soudainement par le regard sévère de Lady Catherine Johnston, se mit à pleurer à chaudes larmes. Il se tenait la jambe en hurlant de douleur. Cessant son ouvrage, la bonne se mit à courir auprès du cadet pour le consoler. Sentant vaguement que sa surveillance n'avait pas été efficiente, elle renonça à cette impression désagréable en reportant sa colère sur l’aîné. L'art de l'esquive. Ce dernier fut dûment chapitré puis puni pour avoir organisé un jeu dangereux. Dès lors, Charles Johnston ne cessa plus de regarder d'un mauvais œil cette toile responsable de cette sanction injustifiée. A l'inverse, Thomas qui n'avait qu'une écourchure considéra avec admiration celle qui lui avait permis de battre pour une fois son frère à un jeu.

L'enfance est remplie de petites victoires et de grandes frustrations. La rivalité des deux frères ne cessa plus...

 

 

Repères à suivre :  le feuilleton : la rivalité des deux frères

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