8 Février 2011
Dans le Lion et le Moucheron, La Fontaine s'appuie sur la fable d'Esope, "le cousin et le lion" pour développer une morale en deux temps : nul n'est invincible surtout s'il se croit fort et que l'on est le plus souvent perdu par des affaires de moindre importance.
repère : thème des animaux : présentation
Quittons l'univers du conte pour celui de la fable.
La Gazette n'aurait pas pu omettre de présenter une fable de La Fontaine dans le cadre de notre tour d'horizon littéraire consacré à nos amis, les bêtes.
Au préalable, il convient de donner des gages de gratitude à Esope, auteur de l'Antiquité de la fable "le cousin et le lion" qui a inspiré celle qui vous est aujourd'hui présentée :
"Un cousin s’approcha d’un lion et lui dit : « Je n’ai pas peur de toi, et tu n’es pas plus puissant que moi. Si tu prétends le contraire, montre de quoi tu es capable. Est-ce d’égratigner avec tes griffes et de mordre avec tes dents ? Une femme même qui se bat avec son mari en fait autant. Moi, je suis beaucoup plus fort que toi ; si tu veux, je te provoque même au combat. » Et, sonnant de la trompe, le cousin fondit sur lui, mordant le museau dépourvu de poil autour des narines. Quant au lion, il se déchirait de ses propres griffes, jusqu’à ce qu’il renonça au combat. Le cousin, ayant vaincu le lion, sonna de la trompe, entonna un chant de victoire, et prit son essor. Mais il s’empêtra dans une toile d’araignée, et, se sentant dévorer, il gémissait, lui qui faisait la guerre aux plus puissants, de périr par le fait d’un vil animal, une araignée."
Ésope, le cousin et le lion
Si le lion demeure commun dans les deux fables, on quitte le cousin (de la famille du moustique) pour une mouche. Dans la Fable de la Fontaine, c'est le lion qui instaure le dialogue de manière agressive alors que c'est l'insecte chez Ésope. On voit apparaître le style indirect libre au présent qui donne tout le relief à la discussion.
La morale se situe à la fin et comprend deux branches. Elle reprend l'idée que nul n'est invincible surtout s'il se croit fort et que l'on est le plus souvent perdu par des affaires de moindre importance.
***
Va-t-en chétif insecte, excrément de la terre.
C’est en ces mots que le Lion
Parlait un jour au Moucheron.
L’autre lui déclara la guerre.
Penses-tu, lui dit-il, que ton titre de Roi
Me fasse peur, ni me soucie ?
Un bœuf est plus puissant que toi ;
Je le mène à ma fantaisie.
A peine il achevait ces mots,
Que lui-même il sonna la charge,
Fut le Trompette et le Héros.
Dans l’abord il se met au large ;
Puis prend son temps, fond sur le cou
Du Lion qu’il rend presque fou.
Le quadrupède écume, et son œil étincelle ;
Il rugit, on se cache, on tremble à l’environ :
Et cette alarme universelle
Est l’ouvrage d’un Moucheron.
Un avorton de Mouche en cent lieux le harcelle,
Tantôt pique l’échine, et tantôt le museau,
Tantôt entre au fond du naseau.
La rage alors se trouve à son faîte montée.
Invincible ennemi triomphe, et rit de voir
Qu’il n'est griffe ni dent en la bête irritée,
Qui de la mettre en sang ne fasse son devoir.
Le malheureux Lion se déchire lui-même,
Fait résonner la queue à l’entour de ses flancs,
Bat l’air qui n’en peut mais ; et sa fureur extrême
Le fatigue, l'abat : le voilà sur les dents.
L’insecte du combat se retire avec gloire :
Comme il sonna la charge, il sonne la victoire ;
Va par tout l’annoncer ; et rencontre en chemin
L’embuscade d’une araignée.
Il y rencontre aussi sa fin.
Quelle chose par là nous peut être enseignée ?
J’en vois deux, dont l’une est qu’entre nos ennemis,
Les plus à craindre sont souvent les plus petits ;
L’autre, qu’aux grands périls tel a pu se soustraire,
Qui périt pour la moindre affaire."
Fables, livre II, fable 9, La Fontaine
https://fr.wikisource.org/wiki/Le_Lion_et_le_Moucheron
repère à suivre : la classification des espèces