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Analyse-Livres & Culture pour tous

Gazette littéraire

Commentaire linéaire d'une « Nouvelle en trois lignes » (Fénéon)

Voyons enfin l'analyse tirée de la méthode des GROSSES CLEFS ©. C'est notre dernière étape : le commentaire linéaire de la nouvelle en trois lignes de Fénéon qui se déroule dans le zoo de Vincennes...

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Repère : examens : entrainement

Entrainement

Depuis quelques jours, nous nous exerçons, ensemble, au commentaire avec ce premier entrainement de l’année qui suit la progression suivante : 

Découvrons la dernière étape, si vous le voulez bien, avec le commentaire linéaire.

Je vous rappelle le texte que nous avons colorié utilement en nous fondant sur le code couleurs suivant de la méthode :

   6           GROSSES                                      CLEFS

Gr : grammaire                               C : Conjugaison

OS : oppositions                            le : champ lexical 

SE : les 5 sens                            FS : figures de style

Cela donne :

 “Zoo de Vincennes, la nuit passée. Pour un cadeau original, M.Henri visite les lionceaux. Reste une main munie d’une chevalière.

Dans cette nouvelle, l’auteur a choisi de raconter un fait divers à l’aide de trois phrases simples rythmant le récit. On peut, dès lors, noter les trois mouvements suivants :

  • un cadre mystérieux, (phrase 1)
  • un personnage nommé, (phrase 2)
  • un registre satirique. (phrase 3)
  1. Un cadre mystérieux

La première proposition est non verbale : c’est un procédé utile pour en faire un modèle de concision. À quoi sert-elle ? 

  1. un cadre spatio-temporel

Cette phrase a pour objet de poser le cadre spatio-temporel. On relève, en effet, le complément de lieu sans déterminant pour le premier, “Zoo de Vincennes,”. Puis séparé par une simple virgule, on note le second complément, celui de temps “la nuit.

  1. une ambiance mystérieuse

On voit que l’auteur, en très peu de mots, a choisi de brosser une ambiance mystérieuse : la scène se déroule dans un lieu de divertissement,“Zoo”, qui est déterminé dans sa localisation, “Vincennes”, alors que l’horaire, lui, est indéfini “la nuit passée”. 

Le caractère extraordinaire du cadre saute aux yeux. Que fait-on dans un zoo, la nuit ? Pour en savoir plus, il faut attendre la deuxième phrase.

  1. Un personnage nommé

La deuxième phrase est verbale et c’est la plus longue de la nouvelle. On note qu’elle débute par une brève explication avant d’évoquer le protagoniste de l’action.

  1. Une brève explication

L’auteur choisit de débuter cette phrase importante par une apposition  “Pour un cadeau original”. On sait que l'apposition joue un rôle d’accentuation : voyons sa fonction et la portée de cette information. 

Il s’agit en l’espèce d’un complément circonstanciel de cause avec la préposition “pour”. On entrevoit une explication au caractère extraordinaire du fait divers avec l’adjectif  épithète “original”.

Dans sa nouvelle, l’auteur ne conserve que l’essentiel “un cadeau” comme point de départ de l’action qui justifierait sa place en tête de phrase. Cette apposition annonce également la présence d’une personne bénéficiaire de ce cadeau. On note que recevoir un cadeau a un effet passif qui contraste avec l’action qu'effectue le personnage.

  1. le protagoniste de l’action

Comme dans tout fait divers, l’auteur fait intervenir un personnage. Il a choisi de le nommer par son prénom ou son patronyme “M.Henri” ; il ne donne aucune autre précision précise à ce stade de la nouvelle. Pourquoi ? 

Il préfère le décrire par son acte avec le verbe “visite”. C’est donc avec un verbe de mouvement que nous découvrons le protagoniste. Deux particularités sont à noter dans l’emploi de ce verbe, d’abord la valeur du temps et ensuite, le sens du verbe.

Cette action pourtant du passé est décrite au présent. Pourquoi ? La valeur de ce temps a pour effet de donner de la vivacité à ce très court récit :  cette nouvelle de trois lignes suit donc un rythme dense à l’image de sa concision. 

Sur le fond, l’emploi du verbe visiter peut surprendre, car son usage est normalement réservé à un destinataire (visiter une personne) ou à une destination (visiter un lieu). Il revêt en général un effet solennel dans les codes sociaux comme ici avec “M.Henri visite”.

Or, le texte dit : “M.Henri visite les lionceaux.” L’auteur crée ainsi un véritable effet de surprise. Il détourne les codes pour jouer sur la double opposition entre l’humain et l'animal d’une part, mais d'autre part, entre le singulier “M.Henri” et le pluriel “les lionceaux”. 

À ce stade de la nouvelle, on peut mieux comprendre le fait divers qui se conçoit comme une joyeuse aventure entre amis, “pour un cadeau original”, destinée à fêter un évènement. Pour souligner le caractère transgressif, cette équipée a lieu à l’heure où le parc est fermé et le champ lexical de l’exotisme “zoo/lionceaux” en donne tout son piment.

Cette nouvelle adopte un registre particulier comme on peut le voir dans la dernière phrase.

3. Registre satirique

La dernière phrase constitue donc l’épilogue du fait divers.

Elle constitue la conclusion de la nouvelle : c’est un chef-d’œuvre d’humour noir relevant également du registre satirique.

  1. humour noir

La dernière partie est constituée d'une phrase simple qui ne porte aucun connecteur logique. L’auteur s’en passe aisément, car il joue sur une curieuse construction pour attirer l’attention. L’effet de cause à effet résulte, en effet, de l’inversion du sujet et du verbe :”Reste une main “. 

Il s’agit d’un euphémisme apparent destiné à cacher une vérité trop crue, la mort soudaine de l’homme dévoré par les animaux. 

Mais cette tournure d’atténuation est, en réalité, un chef-d’œuvre d’humour noir. Il indique ce qui est encore visible “une main” dans le prolongement de laquelle on voit “une chevalière”. Le fait de ne mentionner qu’un membre du corps exclut par définition tous les autres. Pour le dire autrement, il ne reste plus rien de M.Henri. 

On notera l’utilisation du déterminant indéfini “une main”  que l’on ne peut pas distinguer de la droite ou de la gauche pour signifier le carnage qui s’est déroulé. Le registre est aussi satirique si l’on considère la nouvelle en entier.

  1. registre satirique

Ce registre transparaît avec la mention “d’une chevalière”. Cette bague est un signe de distinction sociale, portée par la classe aristocratique. On notera que tout ce qui touche au personnage est déterminé par des articles indéfinis, preuve d’une volonté de l’auteur de le rabaisser socialement : “un cadeau”/”une main/une chevalière”

La lecture de la nouvelle ouvre alors un registre  proprement satirique : il s’agit de se moquer en trois lignes du comportement d’une noblesse désoeuvrée.

On  peut voir dans l'adjectif “original” une ironie de l’auteur qui critique en se moquant du projet festif déconnecté du danger. Il le fait tout autant avec le verbe “visite” prenant un tour parfaitement condescendant.

Enfin arrêtons-nous sur la dénomination “Monsieur Henri” puisqu’il s’agit de son prénom à défaut de connaître son patronyme aristocratique complet. C’est ainsi que les domestiques appelaient leur maître, ce qui n’empêchait pas de les critiquer. 

On est bien dans une satire, un tour de force en trois lignes !

Source : https://essentiels.bnf.fr/fr/societe/medias/2976bcba-5115-409a-8191-d1e925cfea5a-genres-presse-presses-genre/article/b155df10-bed2-4028-9338-643caad66f93-roman-feuilleton-fait-divers

 

 

 

 

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