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21 Mai 2022
L'analyse linéaire du postambule de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne (DDFC) nous renseigne sur le combat engagé par Olympe de Gouges pour l’octroi des droits aux femmes.
repère : Olympe de Gouges : analyse
Nous rappelons le cadre de l’analyse de notre problématique : la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne (DDFC) est-elle un simple exercice symétrique parodiant la déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 (DDHC)?
Dans l'article précédent, nous avons analysé le préambule de la déclaration des droits de la femme, nous allons nous concentrer aujourd’hui sur un extrait du postambule qui nous renseigne sur les intentions de l’auteure. La problématique qui se pose est celle de savoir comment Olympe de Gouges envisage ce combat pour l’octroi des droits aux femmes.
Pour répondre à cette question, nous verrons les trois points suivants correspondant aux mouvements du texte avec la méthode des 6 GROSSES CLEFS © :
1. le réveil de la femme
2. la réclamation des femmes,
3. le combat des femmes
"Femme, réveille-toi ; le tocsin de la raison se fait entendre dans tout l'univers ; reconnais tes droits. Le puissant empire de la nature n'est plus environné de préjugés, de fanatisme, de superstition et de mensonges.Le flambeau de la vérité a dissipé tous les nuages de la sottise et de l'usurpation. L'homme esclave a multiplié ses forces, a eu besoin de recourir aux tiennes pour briser ses fers. Devenu libre, il est devenuinjuste envers sa compagne./Femmes ! femmes, quand cesserez-vous d'être aveugles ? Quels sont les avantages que vous avez recueillis dans la Révolution ? Un mépris plus marqué, un dédain plus signalé. Dans les siècles de corruption vous n'avez régné que sur la faiblesse des hommes. Votre empire est détruit ; que vous reste-t-il donc ? la conviction des injustices de l'homme. La réclamation de votre patrimoine, fondée sur les sages décrets de la nature ; /qu’auriez-vous à redouterpour une si belle entreprise ? le bon mot du législateur des noces de Cana ? Craignez-vous que nos législateurs français, correcteurs de cette morale, longtemps accrochée aux branches de la politique, mais qui n'est plus de saison ne vous répètent : femmes, qu’y a-t-il de commun entre vous et nous ? Tout, auriez-vous à répondre. /S'ils s'obstinaient,dans leur faiblesse, à mettre cette inconséquence en contradiction avec leurs principes ; opposez courageusement la force de la raison aux vaines prétentions de supériorité ; réunissez-vous sous les étendards de la philosophie ; déployez toute l'énergie de votre caractère et vous verrezbientôt ces orgueilleux, nos serviles adorateurs rampant à vos pieds, mais fiers de partager avec vous les trésors de l'Etre suprême. Quelles que soient les barrières que l'on vous oppose, il est en votre pouvoir de les affranchir ; vous n'avez qu’à le vouloir."
Olympe de Gouges interpelle la “femme”, en choisissant le nom commun pris au singulier. Il s’agit d’un parti pris de connivence, de proximité avec chaque femme.
a) moment charnière
L’emploi de l’impératif marque l’ordre qu’elle lui donne à deux reprises : “réveille-toi”/“reconnais tes droits”. On note que ces deux verbes marquent un changement veille/réveil et connais/reconnais puisque la déclaration se situe à un moment charnière entre un avant et un après.
La période révolue est exprimée par le sens de l'ouïe. Celle-ci est convoquée avec “entendre” et avec la métaphore pleine d’emphase “tocsin de la raison”, qui signe une alarme lancée lors d’un combat. On trouve aussi la négation “n’est plus” ou le verbe de négation “dissiper” ; par ailleurs, l’auteure recourt à une énumération faites de redondances “fanatisme”/“superstition”,“de préjugés”/”mensonges”/“sottise”.
b) nouvelle époque
La nouvelle période se manifeste, quant à elle, par une opposition avec le sens de la vue cette fois. Le procédé est repris, celui de la métaphore, mais qui va être doublé, preuve de l’importance du moment ainsi souligné. Ainsi Olympe de Gouges évoque le “flambeau de la vérité”, rappel du siècle des Lumières dissipant “les nuages de la sottise et de l'usurpation.” évoquant l’Ancien Régime.
Elle se fait lyrique en choisissant le champ lexical de l’affranchissement “tocsin”,“esclave”, “fers”, “forces” ,“libre”.
Le rapport homme “esclave”/femme “compagne” est celui de l’union des forces “a eu besoin de recourir aux tiennes”, mais il aboutit à une séparation des sexes lors de la libération avec l’adjectif “injuste”. Il fait naître le temps des revendications des femmes.
On relève une antithèse avec le mouvement précédent, le nom commun “femme” est devenu “femmes” répété deux fois au pluriel : Olympe de Gouges évoque ainsi un combat collectif à mener. Et celui-ci ne peut débuter qu’une fois la prise de conscience opérée.
a) interrogations rhétoriques
Pour ce faire, l'auteure pose une succession de questions telles que : “quand cesserez-vous”, “Quels sont les avantages” posant un rythme binaire qu’elle fait correspondre avec les réponses qu’elle apporte : “Un mépris plus marqué, un dédain plus signalé.” : on note la redondance entre "mépris/dédain" et “plus marqué/plus signalé”. Cela donne un aspect rhétorique à cette interrogation finalement de style.
b) le paradoxe de la révolution
Olympe de Gouges procède par opposition pour mieux souligner le combat à mener : elle présente ainsi la femme de l’Ancien Régime “les siècles de corruption” sous un jour dominateur avec “empire”,“régné”, “patrimoine” qui s’oppose à la “faiblesse des hommes.”
L’auteure montre ensuite tout le paradoxe de la Révolution : elle a fait déchoir les femmes avec la métaphore du déclin : “votre empire est détruit”.
On note aussi l’opposition entre le résultat escompté “avantages” et celui obtenu “mépris”. Dès lors, l’injustice de la situation les oblige à revendiquer des droits naturels avec la périphrase “les sages décrets de la nature”.
C’est le temps du combat des femmes.
Ce mouvement est celui de la rupture avec l’injustice des hommes.
a) un combat
Pour ce faire Olympe de Gouges oppose le conditionnel “S'ils s'obstinaient,” aux trois impératifs successifs “opposez” "réunissez-vous “ “déployez” ; ce rythme ternaire est grandiloquent et suggère une lutte d’idées avec l’emploi des termes : “ principes” “prétentions” “philosophie” qu’elle exprime comme un authentique combat avec le champ lexical de la bataille : “courageusement” “la force” “supériorité” “énergie” “étendards” “trésor” “barrières”.
Il s’agit d'un débat intellectuel qu’Olympe de Gouges voit gagnant avec l’emploi du futur simple “vous verrez bientôt”, qui a une valeur de certitude.
Le portrait des hommes est toujours péjoratif avec une succession de termes “inconséquence”, “leur faiblesse” “ces orgueilleux” et la mise en apposition “nos serviles adorateurs”.
Comme dans les différents textes, Olympe de Gouges part d’un combat pour aboutir à une conclusion heureuse celle qui conclut à l’union des sexes “partager” qui est le but de la revendication dans une harmonie totale exprimée par l’adjectif “fiers”.
b) la confiance dans l'avenir
On arrive à la conclusion de ce paragraphe qui se fait cette fois au subjonctif, le mode de la réflexion “ Quelles que soient les barrières” : cela marque l’étendue de la confiance de l’auteure dans les femmes.
Le combat est mené par une entité indéfinie “on” précisée une fois qui s'oppose aux répétitions du pronom “vous” et l'emploi du déterminant possessif “votre”, c'est-à-dire à la toute-puissance féminine “il est en votre pouvoir”, forme déclarative.
La restriction “ne …que” donne à l’auteure la possibilité de montrer l’étendue du talent des femmes avec l’opposition entre “pouvoir” et “vouloir”, les deux étant illimités.
Dans l’article suivant, nous verrons la comparaison entre le préambule et le postambule de la déclaration des droits de la femme (Olympe de Gouges)
repère à suivre : comparaison entre le préambule et le postambule de la déclaration des droits de la femme (Olympe de Gouges)