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Analyse-Livres & Culture pour tous

Gazette littéraire

Analyse linéaire du préambule de la déclaration des droits de la femme (Olympe de Gouges)

Dans le préambule de cette déclaration, on peut voir que la féminisation des termes n’est pas un simple exercice de style ; elle induit des questionnements sur la notion de genre féminin et des ambiguïtés sur la valeur du texte et les enjeux de pouvoirs sous-jacents.

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repère : Olympe de Gouges : analyse

Dans l’article précédent, nous avons rappelé le cadre de l’analyse de notre problématique : la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne (DDFC) est-elle un simple exercice symétrique parodiant la déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 (DDHC)? 

Préambule

Nous avons vu dans la déclaration des droits de la femme une argumentation directe en miroir opposant l’homme et la femme, mais également le genre humain avec le règne de la nature. 

Aujourd’hui, il vous est proposé d’analyser le préambule. Nous avons repris la même méthode des 6 GROSSES CLEFS ©.

Nous avons voulu que les mentions soulignées marquent les différences avec la déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC)

"Les mères, les filles, les sœurs, représentantes de la nation, demandent d’être constituées en assemblée nationale. Considérant que l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de la femme, sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements,  (elles) ont résolu d’exposer dans une déclaration solemnelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de la femme, afin que cette déclaration, constamment présente à tous les membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs, afin que les actes du pouvoir des  femmes, et ceux du pouvoir des hommes pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés, afin que les réclamations des citoyennes, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la constitution, des bonnes mœurs, et au bonheur de tous.

En conséquence, le sexe supérieur en beauté comme en courage, dans les souffrances maternelles, reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l’Être suprême, les Droits suivans de la Femme et de la Citoyenne."

Problématique et plan

Dans cette déclaration peut-on voir dans la féminisation des termes un simple exercice de style ?

Nous verrons qu'elle induit des questionnements sur la notion de genre féminin et des ambiguïtés sur la valeur du texte et les enjeux de pouvoirs sous-jacents. 

Analyse
  1. Un genre féminin 

Dans cette déclaration, on peut voir les questionnements sur la définition du féminin et sur la prépondérance de la fonction maternelle. 

a) la définition de la femme

Si Olympe de Gouges évoque les droits de “la femme”, le féminin est curieusement envisagé  au pluriel. 

Ainsi la définition du genre féminin proposé dans la première ligne comporte une énumération dans un ordre précis : “Les mères, les filles, les sœurs”. On retrouvera une autre qualification du féminin en fin du préambule sans la reprise de ces trois états. 

Qu’est-ce donc que le sexe féminin ? Olympe de Gouges y répond de manière positive et de manière implicite avec la prépondérance de la fonction maternelle.

b) la prépondérance de la mère

Dans l’esprit d’Olympe de Gouges, la femme, c’est avant tout la mère, associée au vocable de “courage” et “dans les souffrances maternelles,”. La maternité est présentée sous un jour doloriste, ce qui permet aux femmes de se voir conférer des droits. En écrivant ainsi, elle minimise de facto le rôle de la sœur et de la fille qui, sur le plan social et politique, ne confère aucun statut et donc de droit particulier. 

Elle ajoute même un devoir aux femmes qui n'existe pas dans la DDHC, celle du maintien “des bonnes mœurs,” qui interroge…

On pourrait s’étonner de ce que l’auteure exclue purement et simplement la femme mariée. Cette dernière dispose d’un vrai statut marital et donc social. Olympe de Gouges ne la mentionne pas dans cette déclaration. Pourquoi ? Cette omission est liée à la biographie d’Olympe de Gouges, veuve jamais remariée, qui a choisi l’union libre et le droit d’écrire sans tutelle masculine. On voit aussi que cette déclaration présente en filigrane un certain nombre d'ambiguïtés.

  1. les ambiguïtés de la DDFC

Deux ambiguïtés se font jour dans cette déclaration, l’une tenant à la finalité de la déclaration et l’autre à l’enjeu de pouvoir entre les deux sexes.  

a) la valeur de la déclaration

On relève une première ambiguïté dans ce texte lié à cette formulation : “Les mères, les filles, les sœurs, représentantes de la nation, demandent” Le verbe demander implique une nécessaire acceptation de la part des hommes, voire même le risque d’un refus. C’est bien une ambiguïté, car cela rend les femmes d’une certaine manière dépendantes du pouvoir masculin. Par ailleurs, c’est antinomique pour un texte qui cherche à obtenir une portée déclarative, créatrice de droits. 

Cette impression de malaise est dissipée à la fin de la déclaration où on lit “le sexe supérieur… reconnaît et déclare” : il s’agit de la reprise des deux verbes choisis dans la DDHC. On est donc bien dans le cadre de droits octroyés. Il reste que ce texte porte en lui des enjeux de pouvoirs.

b) l’enjeu de pouvoir

Cette déclaration n’est pas seulement une féminisation des termes ; elle comporte une ambiguïté en matière de pouvoir. 

Ainsi Olympe de Gouges revendique l’égalité de droits dès le début de sa déclaration avec sa volonté d'être incluse dans “l’assemblée nationale”, lieu réservé aux hommes. 

Pour l’auteure, l’action prend la forme de “pouvoir” entrant dans le champ lexical de la politique : “représentant”,“assemblée nationale”, “institution”, “droits”, “devoirs”, “gouvernement”, “corps social”...

Elle revendique aussi la capacité des femmes à agir au même titre que les hommes : “actes du pouvoir des  femmes, et ceux du pouvoir des hommes pouvant être à chaque instant comparés”. Notons que le préambule de la DDHC évoquait “les actes du pouvoir législatif et ceux du pouvoir exécutif”. On voit donc le glissement sémantique entre le principe de la séparation des pouvoirs de Montesquieu à la question de la séparation des sexes invoquée par Olympe de Gouges. 

On est sur une opposition entre les sexes qui tourne à l’avantage des femmes. Olympe de Gouges entend revendiquer la supériorité de la femme à l’aide de la comparaison suivante :” le sexe supérieur en beauté comme en courage,”

Nous analyserons, dans un prochain article, le postambule de la déclaration des droits de la femme

repère à suivre : analyse linéaire du postambule de la déclaration des droits de la femme
 

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