Analyse-Livres & Culture pour tous
8 Mars 2014
Repères : thème de l’île : présentation
Lorsque l’île Maurice s’appelait l’île de France
L’île, un paradis
Après avoir abordé la représentation symbolique de l’île dans la pensée de Jonathan Swift, découvrons le cadre enchanté planté par Bernardin de Saint-Pierre au XVIIIème siècle dans son roman Paul et Virginie.
Ce roman plein de fraîcheur retraçant l’amour impossible entre deux jeunes gens élevés ensemble sur l’île de France (devenue l’île Maurice) a déjà été évoqué dans ces colonnes. Nous avons décrit la sublimation de la nature et le récit du naufrage de la jeune fille revenue de France après un séjour malheureux et la promesse hélas non tenue de connaître le bonheur sur son île avec Paul
Une île presque sauvage
Présentons si vous le voulez bien cette île luxuriante et à peine habitée et- abîmée- par l’homme : et si le paradis perdu était une île ?
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"Sur le côté oriental de la montagne qui s’élève derrière le Port-Louis de l’Isle-de-France, on voit, dans un terrain jadis cultivé, les ruines de deux petites cabanes. Elles sont situées presque au milieu d’un bassin formé par de grands rochers, qui n’a qu’une seule ouverture tournée au nord. On aperçoit à gauche la montagne appelée le morne de la Découverte, d’où l’on signale les vaisseaux qui abordent dans l’île, et au bas de cette montagne la ville nommée le Port-Louis ; à droite, le chemin qui mène du Port-Louis au quartier des Pamplemousses ; ensuite l’église de ce nom, qui s’élève avec ses avenues de bambous au milieu d’une grande plaine ; et plus loin une forêt qui s’étend jusqu’aux extrémités de l’île. On distingue devant soi, sur les bords de la mer, la baie du Tombeau ; un peu sur la droite, le cap Malheureux ; et au-delà, la pleine mer, où paraissent à fleur d’eau quelques îlots inhabités, entre autres le Coin de Mire, qui ressemble à un bastion au milieu des flots.
À l’entrée de ce bassin, d’où l’on découvre tant d’objets, les échos de la montagne répètent sans cesse le bruit des vents qui agitent les forêts voisines, et le fracas des vagues qui brisent au loin sur les récifs ; mais au pied même des cabanes on n’entend plus aucun bruit, et on ne voit autour de soi que de grands rochers escarpés comme des murailles. Des bouquets d’arbres croissent à leurs bases, dans leurs fentes, et jusque sur leurs cimes, où s’arrêtent les nuages. Les pluies que leurs pitons attirent peignent souvent les couleurs de l’arc-en-ciel sur leurs flancs verts et bruns, et entretiennent à leurs pieds les sources dont se forme la petite rivière des Lataniers. Un grand silence règne dans leur enceinte, où tout est paisible, l’air, les eaux et la lumière. À peine l’écho y répète le murmure des palmistes qui croissent sur leurs plateaux élevés, et dont on voit les longues flèches toujours balancées par les vents. Un jour doux éclaire le fond de ce bassin, où le soleil ne luit qu’à midi ; mais dès l’aurore ses rayons en frappent le couronnement, dont les pics s’élevant au-dessus des ombres de la montagne, paraissent d’or et de pourpre sur l’azur des cieux."
Paul et Virginie, Bernardin de Saint-Pierre
http://fr.wikisource.org/wiki/Paul_et_Virginie/Paul_et_Virginie
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