Chemin de croix 2024 : méditations poétiques et spirituelles... 

Faisons ensemble le Chemin de croix composé de 14 stations, en contemporain du Christ et en témoins des temps présents, pour mieux discerner notre participation à l'œuvre de mort dans le monde d'aujourd’hui. Méditations poétiques et spirituelles... 

1. Arrestation de Jésus

Judas embrasse Jésus pour le perdre comme nous lorsque nous péchons. Il faut le reconnaître sans détour : nos conduites mauvaises nous mettent du côté de Judas. 

Nous aussi, nous embrassons Jésus sur la joue en agissant contre notre prochain, contre nous-mêmes, contre Dieu.

Faisons ensemble le Chemin de croix, en contemporain du Christ, pour mieux discerner notre participation actuelle à sa mort dans le monde d’aujourd’hui.  

Disons humblement : je suis Judas, « me too » douloureux,  mais nécessaire. 

Pour notre démarche de vérité et en communion avec nos frères et sœurs, proches ou éloignés de l’Église, elle-même endossant sur la terre, avec nous, son rôle de pénitente.

2. Jésus est condamné à mort

La parodie de jugement est consacrée par la longue liste des errements judiciaires : le non-respect des droits de la défense, l’acceptation des faux témoignages, l’interprétation de faits biaisée, les compromissions avec la loi et avec le pouvoir en place. 

Le semblant de juridisme n’est fait que pour habiller une sentence déjà choisie. Jésus se voit appliquer après délibération le tarif maximum : ni sursis ni prison. Il lui sera administré la peine capitale. 

La haine portée sur la personne de Jésus s’est répandue comme un fétu de paille. Rien ne peut calmer les passions mauvaises, retrouver l’impartialité, la raison au tribunal des hommes. 

La catharsis est à l’œuvre lorsque l’injustice passe : la violence se nourrit de la violence ; le sang appelle le sang. 

C’était hier, mais c’est également maintenant, partout dans le monde, dans l’histoire récente. Combien de procès factices ? Combien de condamnations inéquitables ? Jésus est bien le frère de tous les opprimés.

Mais interrogeons-nous, ne sommes-nous pas ces juges iniques lorsque nous clouons au pilori celui-là même, celle-là même, que nous nous permettons de juger ? Toutes les injustices se ressemblent lorsqu’elles écrasent l’humble comme des grains de blé.

Pour croire encore à la justice dans ce monde et dans l’Église et pour que nous nous mettions à sa disposition radicalement en sortant de nos petites habitudes de pensée ou d’action. Pour que nous ayons à cœur la défense de toutes les victimes. 

3. Jésus est couronné d’épines

Un jardin avec ses arbres et ses arbustes a fourni les épines sur la tête de Jésus. Regardons l’acte qui se déroule comme il existe dans des groupes : l’un a eu l’idée saugrenue, l’autre l’a rejoint et ensemble on a tressé en se blessant les doigts, ce qui ajoute du piquant à l’affaire, la couronne du réprouvé.

Le couronnement d’épines met à jour un jeu sordide initié pour le seul plaisir de plusieurs dans un acte à la fois lâche et bête. Que voit-on dans ce geste ? Le végétal de la création utilisé par la main, non pour l’offrande, mais pour humilier : une couronne pour l’annihilation de la dignité d’un être.

Jésus poursuit sa lente descente dans l’inhumanité.

Ne serions-nous pas ces petits joueurs lorsque nous nous joignons au rire des méchants, au harcèlement d’autrui, voire au persiflage dans un esprit d’appartenance, et aussi quand notre fidélité à un ensemble est en question. 

Pour toutes ces personnes moquées à l’image de Jésus, tous ces êtres ou groupes discriminés, pris en grippe par une foule menaçante.

4. Jésus est chargé de sa croix

Représentons-nous un arbre coupé, puis débité en planches, une activité forestière purement humaine. Le bois constitue un noble matériau, indispensable à notre vie courante, à notre confort, à l’écriture et à l’art.

Dans cet abattage apparaît un acte de domination de l’être humain sur le végétal qui s’annule dans le portement de la croix. Jésus porte le bois avant que ce dernier ne soutienne son propre poids. Le fils du Dieu vivant est condamné à rejoindre l’œuvre de mort.

La cupidité préside à la déforestation de la terre au même rythme que notre orgueil et notre violence décimant notre humanité. Le mal qui nous ronge nous rend indignes du joug ligneux des animaux de trait labourant le champ. 

Le bois du monde est bien moins lourd à porter lorsque les soucis, la solitude, la maladie trouvent dans la croix un référentiel tangible, un tuteur nous soutenant inconditionnellement dans nos chutes. 

Pour que nous comprenions que Jésus se charge aujourd’hui, si nous le voulons, de nos fardeaux.

5.Simon de Cyrène porte la croix de Jésus

Notre collaboration à l’œuvre de création et d’amour nous oblige à agir, chacun à notre manière. Elle enjoint à chacun de nous d’éteindre l’incendie consumant la terre et ses habitants démunis.

Derrière le grand vide existentiel de l’homme moderne se trouve la souffrance de Dieu accusé d’avoir des yeux et de ne pas voir, d’avoir des oreilles et de ne pas entendre, d’être tout-puissant et de ne rien faire.

L’Église et tous les chrétiens par leurs actes ou leurs gestes, au fil des siècles, ont justifié, partiellement, ce détournement des fidèles et sont encore indignes à obtenir l’ajournement du procès de Dieu.

Quand sortirons-nous de l’idolâtrie, des relations de pouvoir, de la marchandisation de faveurs et de grâces, de fausses dévotions dans un esprit de mondanité ?

Quand remplirons-nous nos lieux de culte à l’annonce de la Bonne Nouvelle radicalement vécue ?

Quand serons-nous crédibles face à l’accusation de la perversion divine, néfaste pour l’humanité, ou de ce dieu inutile dont l’existence indiffère même l’homme juste ?

C’est donc à notre tour d’être Simon de Cyrène, de porter dans la croix du Christ la présence de Dieu dans nos sociétés vidées de sens : faisons advenir dans notre quotidien le plus simple Sa puissance d’amour et de miséricorde. Que chacun soit assuré de l’appel qu’il reçoit et de sa liberté profonde de l’accepter ou non.

Pour qu’en nous mettant au service de tous, dans une disponibilité sincère à Dieu, nous allégions une partie de Sa charge, les maux du monde dont nous sommes tous comptables. 

6. La compassion des femmes

La compassion, littéralement souffrir avec, établit des liens de fraternité humaine. Mais le narcissisme et l’égoïsme empêchent de s’ouvrir aux problèmes de l’autre. La caravane du divertissement et de la consommation insatiables passe, demeure seul, le Christ souffrant.

L’iniquité touche le cœur des humbles et laisse les orgueilleux indifférents aux malheurs de la terre. 

Pour que nous soyons des artisans zélés, prompts à consoler le monde et nos frères et sœurs, à travers la croix.

7. Jésus en croix

Par cette peine infamante réservée aux criminels voués à la damnation éternelle, le châtiment des hommes est accompli. Jésus est pendu sur le bois de la croix avec en prime l’agonie pour l’édification des foules : susciter l’horreur et la crainte du peuple.

Dans ce tableau désolant, c’est l’arbre de la vie qui est scié au profit de l’arbre de la connaissance. Dans le jardin d’Eden, le mal règne en maître jusqu’à Pâques.

Pour Jésus, une lente asphyxie : le souffle de l’homme, divin, se raréfie à l’inverse de l’amour infini qu’Il a offert en plénitude. 

Lorsque le monde s’embrase, lorsque le souffle vital nous manque, appelons-en à son Souffle pour qu’il nous soit redonné en abondance du fait de la croix. 

8. La tunique sans  couture

Avec cette tunique abandonnée, le fils de Dieu ne possède plus rien.

Il ne lui reste plus que sa nudité comme appartenance à son humanité.

Il s’est laissé dépouiller de sa pudeur, livrant son corps souffrant à la vue de tous.

Et pourtant, dans ce corps, rien ne peut le rendre plus uni à lui-même que sa constitution naturelle avec ses spécificités, proches de tous nos corps blessés.

Pour qu’à l’image de Jésus, nous fassions de notre enveloppe charnelle, mais également de notre cœur et de notre esprit un temple divin offert. Que nous soyons des êtres en unité d’un seul tenant, authentiques et humbles.

9. Jésus en croix est raillé et outragé

La foule humaine se range du côté du pouvoir. Son signe de ralliement se reconnaît par le ricanement, la parole méchante, gratuite. La meute adhère au châtiment infligé et s’en réjouit : la disparition du roi des juifs permet la poursuite de la marche du monde, l’étouffement des faibles par la volonté des puissants. 

Mais que trouve-t-on derrière ces outrances déplacées ?

Un malaise caché dissimulé avec du bruit : la peur de mourir. Jésus supplicié devient le bouc émissaire de la finitude douloureuse de l’homme. Il est le réceptacle ultime de cette violence gratuite. 

Pour lutter radicalement contre l’emballement de la foule, qui a lieu sous n’importe quelle latitude et à n’importe quel moment sur la terre. Que nous ne laissions pas abuser par les discours trompeurs occultant des passions troubles et mortifères. Que nos rassemblements soient animés par la vie, la paix et l’amour.

10. Marie, la mère douloureuse

L’existence entière de Jésus est soumise à l’opprobre général. Marie est selon ses contemporains celle dont le fils a mal tourné. Aux yeux de son village, de sa famille, Jésus a mené une vie de prédication dangereuse, le conduisant à une impasse tragique : pour les hommes de son temps, le Vendredi saint signe son échec total. 

Marie au pied de la croix est une mère désemparée, désespérée, le cœur en lambeaux passé par la lame du glaive. Les sanglots, les larmes sur ses joues, elle offre toute sa douleur incommensurable à Dieu, mais aussi ses plaintes.

Comment son enfant peut-il disparaître avant elle ?

Comment comprendre la mort du Fils de Dieu, annoncé et porté en son sein, et dans de telles conditions ?

Qui peut l’accepter ?

Marie l’accueille en son for intérieur : en consentant à la déchéance de Jésus, elle reconnaît par ricochet la sienne. Elle est en croix avec lui ; le lait qu’elle lui a fourni, les soins qu’elle lui a apportés, tout son amour, toute sa foi converge au haut de cette croix. Elle redit oui à ce plan de Dieu. 

Pour les familles désespérées par le choix de vie de leurs membres. Que dans l’épreuve des divisions, chacune trouve en Marie accablée le réconfort, pour rester debout et être toujours prête au pardon. Stabat Mater Dolorosa…

 11.  Jésus est abreuvé de vinaigre

Quelle est la consolation consentie au supplicié ?

Un soldat offre du vin — aigre, un nouveau calice parfaitement âcre.

Cette dernière boisson au goût acide achève en lui le sentiment d’abandon du monde.

La descente en inhumanité n’a-t-elle pas de fin ?

Pour celui ou celle qui reçoit l’offense de trop, l’injure de plus, qui arrive en dépit de toute la souffrance déjà éprouvée. Elle fait partie de la coupe bue par le Christ pour nous, en qui le soulagement nous attend là, à notre libre demande.

 12 La mort de Jésus

C’est par un cri que Jésus quitte le monde. Cette mort signe la terminaison de sa condition humaine, celle qu’il a endossée pour nous et qui fait de lui notre divin frère.

Ce cri résume la souffrance, l’agonie et la fin : le calice bu jusqu’à la lie. L’incarnation du Fils de Dieu, de sa naissance à son décès, est achevée. 

Dans cette fin, Jésus expire comme nous le ferons nous-mêmes dans nos derniers instants : c’est une préfiguration à la fois de notre propre anéantissement et de celui de ceux qu’on aime. Il nous faut accepter la disparition de nos fonctions biologiques, ainsi que corrélativement la séparation avec la terre et les deuils qui nous sont imposés. 

En cessant de respirer, nous redonnons notre souffle au Créateur en confiance pour d’autres existences terrestres que la nôtre, porteuses de promesses au monde : l’Esprit ne meurt jamais : il s’offre, se reçoit, se partage.

Avec la mort de Jésus, nous devons nous sentir dépositaires de l’élan vital prêté pour un temps. 

Pour cette existence humaine du Christ menée jusqu’au bout qui nous oblige en tout. Dans ce cri poussé par Jésus, nous sommes invités d’ores et déjà à considérer la préfiguration d’une nouvelle vie, éternelle, à l’image du cri lancé par l’enfant qui vient de naître.

13.  Le côté ouvert

Briser un corps supplicié et sans vie pour prouver l’accomplissement total de la peine.

Ce geste inutile et ultime heurte l’intégrité corporelle d’un être, à la fois homme et Dieu, à qui rien ne sera épargné.

Sur ce flanc ouvert, méditons sur la dignité humaine bafouée que ce soit par le respect de règles iniques ou par des débordements de violence.

Rappelons-nous que dans cette brisure au côté, représentant toutes les atteintes faites aux corps, la perversion est à l’œuvre.

Pour que nous avancions avec l’Église sur nos chemins de croix, par le discernement à l’heure de nos choix, engageant en conscience, toute notre personne, nos frères et sœurs et le monde entier.

14. L’ensevelissement de Jésus

Tout est sur le point d’être achevé : il reste à détacher Jésus supplicié de sa croix, même si sa dépouille sanguinolente est impure.

Un juste considère pourtant qu’il faut lui donner une sépulture ; il se hâte, on est à la veille du sabbat, le temps est compté.

Joseph d’Arimathie offre au corps de Jésus un tombeau prêt à le recevoir. Pour l’heure, il faut vite le couvrir du linceul dans l’attente de sa purification avec de l’eau et des aromates ainsi que des huiles et du parfum. Mais il faut rouler la pierre rapidement.

Jésus est ainsi enseveli, loin du monde des vivants, commune destinée aux êtres sans vie. 

Ensevelissons avec Jésus le mal que nous faisons, ce qui nous ronge ou nous tue dans l’attente de Pâques.

Au tombeau, en ce Vendredi saint, rien ne s’achève, tout commence alors.

La perspective de la résurrection dépasse le roulement de la pierre.

Pour que nous soyons en Église, unis les uns aux autres en notre corps, notre cœur et notre esprit avec Jésus-Christ, lequel effectue, pour nous, ce passage de la mort à la Vie.