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Analyse-Livres & Auteurs-Culture & Éducation par la littérature

Gazette littéraire

La méthode du commentaire composé expliquée : analyse et plan

La méthode du commentaire composé expliquée : analyse et plan
Bac

Si vous avez des difficultés en français, c'est probablement parce que vous ne maîtrisez pas bien la méthode.

Il n'est pas trop tard pour remédier à cela... 

Vous avez quelques minutes devant vous ? Eh bien ! Découvrez la méthode utilisée par la Gazette depuis des années pour aider bien des élèves en difficulté.

Est-ce qu'elle fonctionne ?

Bien sûr ! Elle offre trois avantages :

  • de comprendre ce qui vous est demandé,
  • de vous redonner confiance,
  • et évidemment d'avoir plus de la moyenne, voire une excellente note au bac.

Comment ? En vous donnant un cadre simple qu'il ne vous reste plus qu'à suivre.

La Gazette vous propose de l'expérimenter à l'aide de la vidéo ci-après.

Vidéo

Il est temps de découvrir la  méthode des  GROSSES CLEFS © à l'aide de la vidéo (séquencée) ci-dessous  :

- 12 minutes pour la compréhension du texte : il s’agit de colorier le texte en le prenant sous six angles, à l'aide du moyen mnémotechnique suivant : 

                   6           GROSSES                                      CLEFS

Gr : grammaire                               C : Conjugaison

OS : oppositions                            le : champ lexical 

SE : les 5 sens                            FS : figures de style

- 8 minutes pour l'organisation du plan type : Plan C I I G A R E :  

Ie partie : IIe partie :

A) Cadre spatio-temporel

A) Genre littéraire
B) Intérêt du texte B) Argumentaire de l'auteur
C) Impressions suscitées  C) Registre littéraire

La Gazette vous guide pas à pas, sans jamais vous perdre. 

Pour l'exercice, un poème difficile a été volontairement choisi pour que vous puissiez vous sentir plus à l'aise sur une texte moins ardu, ce qui sera nécessairement le cas le jour de l'épreuve.

Il s'agit d'un texte en prose d'un poète contemporain, Christophe Tarkos (1963-2004) extrait de son recueil le Petit bidon et autres textes.

Vous êtes prêts ? Cela va bien se passer...

C'est parti !

À la fin de la vidéo, retrouvez le texte colorié et le plan proposé ci-dessous pour vous permettre de le reprendre à votre rythme.

Avant de partir, laissez-moi un commentaire ! 

 

Analyse

Pour le poète Christophe Tarkos (1963-2004), la parole est comme une pâte à mastiquer qu’il figure avec l’expression  la Patmo, la pâte-mot, et sa poésie prend la forme d’une régurgitation de l’absurdité du monde. Dans la bouche du poète, les mots pèsent, collent, s’agitent, se bousculent, sont expressifs… C’est une langue triviale et insoumise. C’est une langue au travail.


"Je peux sortir de la maison avec un bonnet à pompon sur la tête, un bonnet à trois gros pompons de couleur,  je peux aussi sortir tête nue, ou pieds nus, ou torse nu, ou le crâne rasé, lisse, poli, ou avec des moustaches, avec une barbe, ou avec des poils juste sur le milieu du menton, ou juste sous les pattes, devant les oreilles, ou avec une queue de cheval, ou avec des couettes, je peux sortir en couettes, ou avec une raie et une queue de cheval qui part du sommet du crâne ou qui part de la frange ou qui part de côté, du côté des pattes, ou avec une moustache qui n'en est pas une, qui est juste un trait de poils au-dessus de la lèvre supérieure, un fin trait de poils noirs, je peux sortir avec les cheveux noirs, noir de jais, ou avec des cheveux blonds, ou jaunes, ou roses, ou jaune et rose, ou bleus, toute une tignasse bleue, des cheveux longs et bleus, ou des cheveux bleu et blanc et rouge, ou seulement rouges ou seulement blancs, avoir tous les cheveux blancs,  ou être rasé en lignes, trois lignes rasées sur la tête, seulement sur trois lignes, ou être rasé en pointillé et d'avoir les sourcils rasés en pointillé aussi et d'avoir la moustache rasée en pointillé aussi, ou de sortir avec une longue barbe bouclée et rousse, avec un long bonnet rouge sur la tête, et un kilt à l'endroit du pantalon, une jupe, une robe, une robe de chambre, et des sandales, ou des sabots, ou des talons hauts, des escarpins à talons hauts, et me maquiller, me maquiller comme un pierrot, comme un clown, comme un indien, comme une femme, comme une femme accentuée, mettre des faux cils, m'épiler les bras et les sourcils, dessiner du khôl autour des yeux, peindre mes lèvres en rouge à lèvres, retoucher mon rouge à lèvres, m'épiler la barbe et la moustache pour avoir un visage lisse et blanc, mettre de la poudre, me poudrer pour avoir un visage blanc sur le cou aussi, sur tout ce qui se voit depuis devant qui n'est pas recouvert, cela changerait tout si je sortais tout nu, avec un bonnet bleu sur la tête et un foulard bleu et un masque de chirurgien bleu sur le nez pour cacher mon nez, ou tout habillé sauf le bas, tout bien habillé en haut avec une cravate, un chapeau et une écharpe et le bas sans rien, tout nu en bas, et avec un chapeau de cow-boy, un chapeau mexicain, un chapeau marocain, une plume de sioux, avec un sari orange, un kilt dessous et une plume dessus sur la tête, avec des cheveux longs et une longue barbe et un sari orange de bonze, je peux sortir aussi en petit, en nain, au ras du sol, pas plus haut que trois pommes, en rase-mottes, je serais le nain nu."

Tarkos, Christophe, Le Petit Bidon et autres textes, Anachronismes, POL Editeur 2001


 

Plan possible 

Plan C I I G A R E :  

Ie partie : IIe partie :

A) Cadre spatio-temporel

A) Genre littéraire
B) Intérêt du texte B) Argumentaire de l'auteur
C) Impressions suscitées  C) Registre littéraire

 

Problématique choisie : quel rôle le poète confère-t-il aux mots ?

I. Des mots pour décrire une apparence….

  1. une préoccupation ordinaire (Cadre spatio-temporel )

- il n’y a pas de cadre spatial défini précisément. Et c’est un marqueur important à souligner : on se trouve dans un lieu flou figuré par l’opposition entre dedans/dehors avec “maison/sortir”. C’est un positionnement qui oppose la sphère intime et la sphère sociale avec la problématique de l'apparence. On est donc précipité dans un vaste inconnu où le temps du discours poétique devrait tenir une importance constructive, mais là encore, ce n’est pas le cas.

- ce poème repose sur une lente énonciation avec pour seul verbe, pouvoir, conjugué au présent de l’indicatif et suivi de l'infinitif sortir : “Je peux sortir de la maison”. Cette formulation concrète, de la vie de tous les jours, produit un effet poussif et sans harmonie. Le mode indicatif est répété plusieurs fois avant de venir se heurter au conditionnel qui est le mode de l’hypothèse avec "cela changerait tout si je sortais. On retrouve cette alternance indicatif/conditionnel à la fin du texte “je peux sortir/je serais.” L’effet voulu est de rechercher une extension du discours qui s’étend à ce nouveau mode qui achève le discours. On a donc une énonciation au départ indicative  qui glisse vers un discours hypothétique donnant un effet bancal au poème.

  1. un discours poétique en cours d’élaboration (intérêt du texte)

 L’originalité réside dans le fait que le sujet ne sait pas exactement ce qu’il va dire ainsi que l’abondante ponctuation le laisse à penser : en effet, on relève des propositions indépendantes toutes juxtaposées et répétées sept fois “je peux sortir de la maison” avec un effet d’insistance notable. 

Ces dernières sont entrecoupées par de nombreuses virgules insérant une multitude de groupes nominaux : “avec les cheveux noirs, noir de jais, ou avec des cheveux blonds, ou jaunes, ou roses, ou jaune et rose, ou bleus,”cette ponctuation singulière hache manifestement le texte. 

Celui-ci trouve encore des variantes avec les propositions infinitives “pour cacher” “pour avoir” qui complexifie la lecture ainsi déstructurée. Enfin, l’auteur ajoute également des phrases infinitives : ”mettre de la poudre, me poudrer “ alourdissant le propos rendu totalement confus. 

Il s’agit d’un poème en vers libres à la première personne du singulier comme l’indiquent l’emploi des deux pronoms personnels “je” et “me”. Il s’agit d’un moi individuel et autocentré sur lui-même. Le poète a cherché, en outre, à mettre en scène le questionnement de l’apparence physique ; l’auteur recourt à des termes définis tels que "poils""barbe""moustache" “rasé”. Mais ce poème, volontiers flou comme on n’a pu le voir précédemment, casse les codes avec l’emploi de termes appartenant au genre féminin “queue de cheval” “couettes” “frange” “épilé”. La lecture de ce poème s’effectue donc dans la plus grande des confusions. 

Ce discours aux effets lents et laborieux se clôt curieusement par un unique point à la fin du texte : “je serais le nain nu“. Cette fin insolite prend la forme d’une pirouette, loin de la proposition du début : “je peux sortir de la maison avec un bonnet.” Tout ceci donne un aspect spontané et irréfléchi au discours qui présente un sens caché comme nous le verrons. Il s’écrit et se lit donc en temps réel, en opposition avec des textes fondés sur un discours organisé. Ce poème repose en outre sur des impressions contrastées. 

3. une poésie sous forme d’inventaire (impressions) 

L’auteur mélange sans logique le champ lexical du corps, “cou”, ”lèvres”,”poils”, comprenant la tenue vestimentaire “robe”, “pantalon, “sabot” et le maquillage “rouge à lèvres” “khôl”. Mais ce corps dont il est question ne porte aucun possessif “le cou”, “les bras" et les vêtements dont on parle ne sont pas définis “un pantalon", “un kilt.” L'auteur recourt, en outre, à une accumulation de compléments circonstanciels de manière tout le long du texte produisant un un effet catalogue  : “tête nue, ou pieds nus, ou torse nu, ou le crâne rasé, lisse, poli, ou avec des moustaches, avec une barbe,” : la conjonction de coordination “ou” se lit comme autant de possibilités offertes, c’est à dire de combinaisons multiples selon un rythme ternaire: “je peux sortir en couettes, ou avec une raie et une queue de cheval”. Cette combinaison se démultiplie ensuite en trois autres possibilités “qui part du sommet du crâne ou qui part de la frange ou qui part de côté”. Cette dernière possibilité se recentre sur une partie : “ du côté des pattes, ou avec une moustache qui n'en est pas une, qui est juste un trait de poils au-dessus de la lèvre supérieure, un fin trait de poils noirs” : on obtient ainsi un discours circulaire puisque l’on revient au début avec la question de la moustache. Cela crée une impression de malaise voulue.

 

II…. à une poésie contestataire

  1. une poésie dysharmonique (genre)

Ce poème offre sur la forme une singularité particulière touchant aux deux principales figures de style employée tout le long du texte, la répétition qui va de pair avec l’énumération. :” je peux sortir avec les cheveux noirs, noir de jais, ou avec des cheveux blonds, ou jaunes, ou roses, ou jaune et rose, ou bleus, toute une tignasse bleue, des cheveux longs et bleus, ou des cheveux bleu et blanc et rouge, ou seulement rouges ou seulement blancs, avoir tous les cheveux blancs…”. Ces procédés précis ont pour objet de refuser toute mise en valeur et toute harmonie ; il existe un véritable refus de recherche d’assonance ou d’allitération harmonieuse; on note un effet d’alourdissement volontaire du discours poétique qui devient lent, haché, sinueux sur la forme. Il traduit un projet poétique qui va de pair avec le fond du discours.

Sur le fond, ces répétitions et ces énumérations portent sur la question du travestissement. On note que le sens de la vue est omniprésente dans ce texte avec le jeu des couleurs “jaune” “rouge” et le verbe “qui se voit”; il est associé au toucher “retoucher” “peindre” : ces deux sens permettent à la représentation sociale de soi d’être en évidence.

 La question de l’apparence physique est ainsi extrêmement large, car elle endosse tous les genres sexués avec les oppositions notamment entre “femme” et homme “clown”, “indiens” “nain”. Mais l’apparence culturelle est évoquée avec la question de la pilosité “épiler”, mais également du vêtement traditionnel tels que le “kilt” pour évoquer la tenue d’un Ecossais ou d’un” sari orange” “bonze” évoquant la tenue d’un moine boudhiste. Ce travestissement concerne les mille et une possibilité de l’individu de paraître au monde.

Dans le cadre de ce travestissement, la lecture du poème offre une opposition saillante entre le début avec l’individu habillé “pantalon” et la fin avec le “nain nu”: on assiste à la fois à un changement de taille grand:petit et à un dépouillement corporel habillé/nu. Entre ces deux extrêmes, peut considérer le lent effacement du sujet. Cela se fait en deux temps ; d’abord il s’effectue derrière un rôle de scène avec l’accumulation des comparaisons suivantes : “me maquiller comme un pierrot, comme un clown, comme un indien, comme une femme, comme une femme accentuée “, puis ce sera derrière les énumérations de chapeaux, “et avec un chapeau de cow-boy, un chapeau mexicain, un chapeau marocain, une plume de sioux…”. On assiste ainsi à l’effacement de l'homme détaché de tous codes sociaux, pour faire advenir un exclu dans sa condition de dépouillement. Ce texte porte en effet en lui un engagement du poète. 

2. une poésie de rupture (argumentaire)

L'enjeu du texte est celui d’un travail sur les mots qui s’étirent à l’infini à la fois dans le son et dans le sens avec la Patmo, la pâte-mot, qui permet de sortir du schéma traditionnel de la poésie. Ces mots sont répétés à l’envi pour s’entrechoquer et choquer le lecteur : “ ou avec une queue de cheval, ou avec des couettes, je peux sortir en couettes, ou avec une raie et une queue de cheval”; les mots ainsi répétés ne signifient pas la même chose “avec des couettes”/ “en couettes” et l’apposition de “raie” avec” queue de cheval”. Cela produit un effet d’à-coups, caractérisant une forme de violence disséminée dans ce texte. 

Cette violence surgit d’abord dans cette difficulté à dire qui prend la forme d’un acharnement à dire avec l’adverbe aussi : “ je peux aussi sortir” ou avec l’omission du verbe pouvoir “ou de sortir avec”.

Mais c’est également une difficulté avec les choix que la société impose d’effectuer souvent de manière binaire : le poète, lui, cherche à sortir du cadre et propose pour ce faire un rythme ternaire : “le crâne rasé, lisse, poli,” conforme à une plus grande liberté. 

 Or, cette liberté ne connaît plus de limite avec la multiplicité des options : “ je peux sortir avec les cheveux noirs, noir de jais, ou avec des cheveux blonds, ou jaunes, ou roses, ou jaune et rose, ou bleus, toute une tignasse bleue, des cheveux longs et bleus, ou des cheveux bleu et blanc et rouge, ou seulement rouges ou seulement blancs, avoir tous les cheveux blancs…”. 

C’est également une critique de l'homme pour qui l’apparence physique passe par la possession. Ce texte comporte une tension manifeste entre le verbe être qui sous-tend “Je peux sortir de la maison” et qui ne trouve de réponse que dans l’avoir  “avec” qui précède les nombreuses énumérations. Le poète se fait alors plus pressant lorsqu’il entrechoque ces deux notions :”avoir tous les cheveux blancs,  ou être rasé en lignes,”. On peut aussi noter ce lent appel au dépouillement avec les nombreuses répétitions sur la nudité  “nus”“nu” “nue”. Cette poésie se fait sous certains aspects moraux. L’argumentation repose aussi sur un humour qui sert la violence des mots.

  1. d’un registre comique à un registre tragique (registre)

Ce texte comporte deux registres, l’humour qui transparaît dans ce texte : “tout bien habillé en haut avec une cravate, un chapeau et une écharpe et le bas sans rien, tout nu en bas”: on voit le mélange des genres qui n’est pas sans rappeler le surréalisme et le dadaïsme. On retrouve l’idée d’une écriture automatique et l’affaiblissement du sens premier du mot pour questionner ce monde. L’humour remet en effet tout en perspective et devient une arme pour s’opposer au monde. Il le fait lorsqu’il confine à l’absurde comme dans ce texte avec notamment les redondances “un masque de chirurgien bleu sur le nez pour cacher mon nez,”. Le comique de ce texte n’est là que pour souligner la vacuité de nos vies tournées vers l’apparence et non la profondeur des choses. Le poète le dit à sa manière avec cette étrange expression placée au milieu du texte : “cela changerait tout si je sortais tout nu”. C’est une sorte de prise de conscience qui surgit de manière furtive pour exprimer un registre plus pathétique, comme un cri du cœur qu’exprime ici le conditionnel. Mais il faut s’interroger sur la dernière affirmation : “je serais le nain nu” avec la seule allitération harmonieuse en n qui marque la douceur. C’est la seule fois dans le texte que le je se définit et il le fait avec un attribut du sujet, le “nain nu” : c’est une qualification qui n’est pas sans rappeler notre condition humaine, celle du nain rappelant l’enfance et la nudité de notre naissance et celle de notre mort.

 

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