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"On ne badine pas avec l'amour" : portée

  • Photo du rédacteur: Marie-Noëlle Parisot-Schmitt
    Marie-Noëlle Parisot-Schmitt
  • il y a 14 heures
  • 4 min de lecture

Bac : nous verrons l’enjeu de la pièce ainsi que ses registres. Les duos amoureux mis en scène aboutissent à une crise du langage sous sept différentes formes : perte du réel, volonté de se parler sans cesse, provocations et surenchères, rôle du silence, présence de l'ironie, l'emploi du langage de pauvre, et de la double annonce. C’est la leçon du langage voulue par Musset : le jeu du langage par des “enfants insensés” commence par le registre comique avant de s'achever, par suite d’inconséquences puériles, aux registres dramatique et tragique. 


un tableau avec une religieuse et deux anges de part et d'autre du cadre
Gallica

"On ne badine pas avec l'amour" : portée


Venons-en à la dernière partie de notre dossier. Nous verrons l’enjeu de la pièce "On ne badine pas avec l'amour" : portée et registres. 


Les duos amoureux qui sont mis en scène aboutissent à une crise du langage. 


Crise

De quelle crise parlons-nous ? Nous verrons sept manifestations différentes dans cette pièce. Reprenons-les, si vous le voulez bien.


1) La première manifestation de cette crise s'articule autour de la perte du réel. La parole dite repose  sur une illusion : c'est le cas pour Camille qui est victime du langage. Sa vocation religieuse repose sur une vision tronquée du monde. Le tragique de l'amour est érigé en dogme. Les confidences de Louise sont à l'origine du  refus du mariage avec Perdican. Pour cela, Camille recourt à son tour à un langage faussé, elle devient cette fois actrice de la crise du langage. Elle invente une vocation religieuse pour masquer sa peur du monde. Les mots  constituent une  protection étanche  contre l'amour de Perdican. il s'avère qu'un autre langage, plus sincère, prend le relais :  le langage du corps. Musset nous montre  la montée en puissance du corps avec les différents états physiques ressentis par Camille à l'acte 3 ( faiblesse,  pâleur, etc.).


2) La deuxième manifestation de cette crise a trait à cette volonté permanente de se parler en dépit des mouvements de sortie de scène. Plus on se quitte, plus on veut reprendre le fil de la conversation comme s'il fallait faire cesser le malaise ressenti à la suite de l'initiative de l'un ou de l'autre dans ce jeu amoureux. Ainsi l'annonce du mariage avec Rosette pousse Camille à chercher Perdican, à vouloir lui “parler”  pour ne pas le perdre. Les deux lettres échangées entre eux ont pour but de se donner des rendez-vous pour ne pas interrompre le fil de la conversation. 


3) La  troisième crise du langage conduit à la perversion des dialogues poussant aux provocations et à la surenchère. Chacun répond à la provocation de l'autre.  Ainsi Perdican joue-t-il le rôle de l'impie :

“ je ne crois pas à la vie immortelle” ( acte II, Scène 5). 

En retour, Camille lui assène une autre provocation :

“ je veux aimer d'un amour éternel et faire des serments qui ne se violent pas.  Voilà mon amant.  Elle montre un crucifix.” (  acte 2,  scène 5). 

4) La quatrième manifestation de cette crise du discours amoureux résulte paradoxalement de l’importance des silences. L’essentiel de l’action se situe finalement hors champ, lorsque les deux amants mesurent le risque de se perdre à l'issue des entretiens menés de manière vaine. L’action résulte ainsi non des dialogues où les mots sonnent faux, mais dans les monologues des personnages placés à la suite de ces entretiens. C’est le cas au moment où Perdican comprend qu’il a été joué à la lecture de la lettre de Camille à Louise, ou lorsque Camille à l’issue du premier duo de séduction Rosette/Perdican décide de se venger. 


5) La cinquième crise du discours amoureux repose sur le ressort de l’ironie nécessaire pour fustiger l’autre. Chez Perdican, on la trouve lorsqu’il se moque de la religion ; pour Camille, lorsqu’elle se moque de Rosette en mariée. Ils se fustigent l’un et l’autre. 


6) L’avant-dernière crise du discours amoureux mène à l’émergence d’un autre langage, celui du pauvre. Tout le long de la pièce, on a eu des échanges de paroles, puis on voit arriver à l’acte III la prière qui se conçoit comme la plus haute des paroles dans le champ du religieux avant le silence de Perdican et de Camille à la suite de l’aveu d’amour et leur embrasement des corps (enlacement et baiser). Le dénouement résulte d’un simple cri, c’est-à-dire de la négation même du langage des deux mondains, Perdican et Camille. C’est le langage de Rosette qui n’a pas les mots, celui de la solitude, de la trahison, de la mort. 


7) On trouve enfin la dernière crise du langage amoureux, celui de la double annonce, celle de la mort de Rosette et du départ de Camille :

“Elle est morte. Adieu, Perdican !” (scène 8).

On note le lien logique entre les deux phrases. La dernière non verbale a de surcroît un effet performatif, la réalisation de l’action au même moment où le mot est dit. “Adieu” qui signe la retraite au couvent de Camille, loin du monde.


Leçon

C’est le silence qui gagne à la fin de la pièce.


Le discours amoureux a tardé à faire preuve de vérité et a entraîné une victime à sa perte, signant la fin de la relation amoureuse.


C’est la leçon du langage voulue par Musset : le jeu du langage par des “enfants insensés” commence par le registre comique avant de s'achever, par suite d’inconséquences puériles, aux registres dramatique et tragique.

 

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