Analyse-Livres & Culture pour tous
1 Septembre 2020
L’art de la comédie repose sur les procédés suivants : le comique de geste, le comique de situation, le comique de mots, le comique de caractère. On les retrouve dans le Malade imaginaire de Molière.
Repères : malade imaginaire : étude
Dans l’article précédent, nous avons analysé le monologue d’Argan dans la scène 1 de l’acte 1. Aujourd’hui, nous allons rappeler les quatre formes de comiques que l’on retrouve chez Molière en général et dans Le Malade imaginaire en particulier.
Nous lisons cette pièce en entier avec la problématique suivante : comment Molière entreprend-il, par le spectacle et la comédie, de corriger les mœurs ? On voit que le comique s’incarne dans le spectacle pour toucher la finalité recherchée, celle de faire réfléchir sur notre condition d’homme. Pour cela, l’art de la comédie repose sur les procédés suivants :
Reprenons-les ensemble, si vous le voulez bien.
C’est le procédé le plus usuel qui rapproche la comédie de la farce. Le jeu du personnage est au centre du rire. Il faut se replacer dans le contexte des pièces de l’époque. La scène sur tréteaux ou dans les théâtres doit être vue de tous. Pour cela, on crée des personnages qui incarnent non une personnalité, mais un stéréotype. À ce stéréotype, on lui associe à une gestuelle déterminée et excessive. Pourquoi ? Il doit être reconnaissable et identifiable par tous.
C’est pourquoi celui qui est malade doit faire la grimace ; celui qui se prétend le maître doit donner des coups de bâton et, à l’inverse, celui qui est le valet doit les recevoir. Dans Le Malade imaginaire, Argan poursuit la servante Toinette son bâton à la main :
« Toinette
Quand un maître ne songe pas à ce qu’il fait, une servante est en droit de le redresser.
Argan, courant après Toinette
Ah ! Insolente, il faut que je t’assomme.
Toinette, se sauve de lui
Il est de mon devoir de m’opposer aux choses qui vous peuvent déshonorer>
Argan, en colère court après elle autour d’une chaise son bâton à la main
Viens, viens que je t’apprenne à parler. »
(acte 1, scène 5)
Le procédé tient dans le fait que le spectateur comprend parfaitement le caractère incongru de la situation alors que certains des personnages sont laissés délibérément dans l’ignorance parce que l’on se joue d’eux. Le temps d’avance du spectateur constitue un des ressorts de la comédie. Dans Le Malade imaginaire, on retrouve ce comique lorsque Toinette se fait passer au nez et à la barbe d’Argan pour un médecin. Le comique de situation s’étend presque sur tout l’acte 3. Cette circonstance a pour objet de faire durer le plaisir du spectateur qui participe à la machination menée. Ainsi dans cette pièce, c’est Toinette qui tisse sa toile avec méthode.
Il lui faut trois scènes pour amener la mystification. Elle devance une quelconque objection du maître sur le leurre :
Toinette à Béralde :
« c’est une imagination burlesque, cela sera peut-être plus heureux que sage. Laissez-moi faire ; agissez de votre côté. Voici notre homme. (acte 3, scène 2) :
« Je ne le connais pas ; mais il me ressemble comme deux gouttes d’eau, et si je n’étais sûre que ma mère était honnête femme, je dirais que ce serait quelque petit frère, qu’elle m’aurait donné depuis le trépas de mon père. (acte 3, scène 7)
Ainsi le faux médecin sort de scène pour un motif fallacieux (acte 3, scène 8) et Toinette revient sous prétexte d’avoir été appelée (acte 3, scène 9). L’imposteur réapparaît alors (acte 3, scène 10).
Il faut à Toinette une scène supplémentaire, celle où le faux-médecin ferait des avances à la servante, pour emporter la conviction totale du maître. (acte 3, scène 10).
Il faut aussi souligner que le comique de situation trouve son apogée dans le 3e intermède à la fin de la scène, avec la cérémonie d’intronisation d’Argan en médecin.
Cela peut-être des insultes dans la bouche du maître ou des répétitions comme avec le fameux drelin drelin drelin de l’acte 1, scène 1. Mais cela peut être aussi plus subtil, comme des jeux de mots. Molière passe encore par Toinette qui n’a pas sa langue dans sa poche.
« Toinette, par dérision
Ma foi, Monsieur, je suis pour vous maintenant et , je me dédis de tout ce que je disais hier. Voici Monsieur Diafoirus le père, et Monsieur Diafoirus le fils, qui viennent vous rendre visite. Que vous serez bien gendrés ! « (acte 2, scène 4)
Molière joue avec le nom gendre, le mari de sa fille, pour en faire un verbe dans le sens de bien pourvu d’un gendre, qui est un mot qui n’existe pas. C’est un néologisme.
La personnalité d’Argan est au centre du rire. Il se laisse persuader par ses médecins qu’il est malade alors qu’il est bien portant. Nous reviendrons sur cette curieuse maladie dans des articles à venir.
Il reste à présenter la comédie du valet qui se joue dans Le Malade imaginaire.
Repère à suivre : la comédie du valet qui se joue dans Le Malade imaginaire