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Analyse-Livres & Culture pour tous

Gazette littéraire

Une nouvelle approche du divertissement...(4)

 

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repères : Tour d'Angleterre : Oxford

 

Résumé : Charles Cronin, professeur de philosophie depuis plus de trente ans à Christ Church Collège d'Oxford a la désagréable surprise de découvrir que sa chaudière est en panne en plein hiver et que son lave-vaisselle a lui aussi cessé de fonctionner. Cela tombe fort mal car une nouvelle conférence à préparer sur le thème du divertissement occupe ainsi son esprit. Habitué à ne gérer aucun problème domestique, le voici contraint de téléphoner aux services après-vente. Il expérimente alors la problématique pascalienne et découvre à cette occasion que les misères notamment domestiques de l'homme peuvent le détourner de l'essentiel. Il voit l'arrivée du plombier avec joie, mais cette dernière est de courte durée : la panne semble sans solution. Le professeur a le sentiment d'avoir perdu sa matinée...


***


Les grandes eaux

Le lendemain matin, ce fut le réparateur du lave-vaisselle qui fit son entrée chez Charles Cronin. Caribéen élancé et musclé, celui-ci vint avec sa petite mallette de réparation. Sur son badge, on pouvait lire son prénom, Paul. Ce dernier mit l'appareil en marche avant qu'un bruit sourd ne se fasse entendre. Il dut l'extraire de son renfoncement et le coucha sur le flanc pour pouvoir débuter le démontage complet.

-Il y aura un peu d'eau prévint-il courtoisement. Vous n'auriez pas un bout de serpillière ?

Charles s'en fut chercher l'objet réclamé avec un sceau. L'eau s'écoula par litres entiers. Il se trouvât que la serpillière fut rapidement insuffisante, compte tenu de la quantité de liquide sale qui s'extrayait de l'appareil. Le réparateur habitué restait stoïque devant ce qui prenait la forme d'une véritable inondation. Les grandes eaux se dit Charles un peu médusé. L'eau se répandait en effet dans toute la cuisine.

Avisé, Charles retira ses petits chaussons bleus à écusson pour une vieille paire de chaussures. En les mettant, il se mit à sourire en pensant à l'effet désastreux sur le réparateur que des bottes en caoutchouc auraient produit s'il les avait choisis. Mettre en difficulté une personne n'entrait pas dans la ligne de conduite d'un anglais civilisé. Il retourna dans la cuisine le sourire aux lèvres lorsque Paul réclama à son client un sèche-cheveux. Devant l'effarement de son interlocuteur, il indiqua que le tuyau d'alimentation en eau étant percé, il pourrait colmater la fuite avec un peu de colle. Cette nouvelle demande conduisit notre héros dans la salle de bains à l'étage.


Redescendant, il vit les marques noires qui souillaient la belle moquette épaisse ; ses chaussures avaient en effet laissé des empreintes sales. Muriel sera mécontente ! pensa-t-il. Quel tracas ! La tension montait dans le cœur de Charles. Cette journée ne tournait pas comme il le voulait. Il devrait tout nettoyer à la brosse avant le retour de son épouse. Encore du temps gaspillé ! Incapable pourtant de se départir de sa civilité, il ne put exprimer l'impatience qu'il avait à voir la réparation s'achever. Cela lui causa une frustration énorme.

 

Une franche panique

Mais cet état céda le pas à un moment de franche panique. Paul, les pieds dans l'eau, se mit en effet consciencieusement à sécher la partie nouvellement collée. L'homme ne mesurait pas en cet instant les risques encourus par lui. Charles crut défaillir ; il fixa avec panique le téléphone, prêt à appeler les urgences. Le réparateur, toujours aussi inconscient, indiqua d'un air dégagé à son client :

- Vous savez, je n'ai jamais vu une panne pareil, une souris a dû grignoter le tuyau. Puis, il s'arrêta pour conclure. Ça ne marche pas, il va falloir que j'en commande un autre.

Une réparation encore pour rien ! pesta intérieurement Charles. Une autre matinée perdue ! Il ne le supporterait pas...

Heureusement, Paul appela ses collègues pour se faire livrer le tuyau aux dimensions requises. Il fallait juste attendre la livraison de la pièce prévue sur l'heure.

 

Une danse insolite

Les deux hommes attendirent ainsi se faisant face. Heure utile, puisque le dépanneur se mit en devoir d'éponger méthodiquement toute la cuisine avec un déhanché travaillé ; il maniait avec brio le balai serpillière et l'essorait avec une rare dextérité tout en chantant. Le grand jeu ! se dit d'un air amusé Charles. Il n'avait jamais vu autant d'incompétence mêlée à autant de désinvolture. Il avait cessé de souffrir et de se lamenter tant le caractère insolite de la situation le saisit soudainement. Tout ceci finit en effet par l'amuser prodigieusement.

Un vrai divertissement s'offrait librement à lui. Un spectacle digne d'un cabaret avec une profusion de gags. Paul s'aperçut de la décrispation de son client et, un peu cabot, en rajouta.

 

Une nouvelle approche du divertissement

Enfin la pièce attendue arriva ; la panne fut ainsi résolue. C'est finalement la mine réjouie que Charles raccompagna le dépanneur en lui donnant vingt livres, seul billet qu'il avait sur lui. Tout ceci lui coûtait évidemment plus cher, mais la détente ainsi procurée n'avait pas de prix, selon lui. Il n'avait pas le souvenir d'un moment aussi divertissant depuis des années. Cela lui avait considérablement fait du bien. Il n'avait plus pensé à son travail duquel il s'était détourné durant finalement ces deux matinées.

 

Le meilleur divertissement vient bien des comiques de situation ; «la seule chose qui nous console de nos misères est le divertissement et c'est pourtant la plus grande de nos misères ». (Pascal)

Pour une fois, Charles n'était plus de cet avis...


Marie Aragnieux

 

Repères à suivre : nouvelle étape

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