Analyse-Livres & Culture pour tous
11 Octobre 2009
Le thème de la correspondance dans la littérature offre un vaste panel d'émotions comme les reproches. Musset a écrit à George Sand un courrier plein de colère.
Repères: thème de la correspondance : Lettre d'amour (3)
Dans l'article précédent, nous avons vu la déclaration d'amour de Musset pour George Sand, mais cette idylle va tourner court.
Les moments de félicité se transforment en reproches...
La relation à la Mansarde entre George Sand et Musset est révélée sur la place publique. elle a tôt fait de devenir scandaleuse.
Les intéressés trouvent d'ailleurs leur vie commune un peu monotone...
Un seul remède, le départ...
Les deux amants partent pour l'Italie, le 12 décembre 1833. Ils s'installent à Venise.
Malheureusement, le séjour ne sera pas heureux ainsi que nous en instruit George Sand lorsqu'elle relate cette période à Musset...
« De quel droit m'interroges-tu sur Venise ? Étais-je à toi à Venise ? Dès le premier jour quand tu m'as vue malade, n'as-tu pas pris de l'humeur en disant que c'était bien triste et bien ennuyeux une femme malade ? Et n'est-ce pas du premier jour que date notre rupture ? Mon enfant, moi, je ne veux pas récriminer, mais il faut bien que tu t'en souviennes, toi qui oublie si aisément les faits. Je ne veux pas te dire tes torts, jamais je ne t'ai dit seulement ce mot-là, jamais je ne me suis plainte d'avoir été enlevée à mes enfants, à mes amis, à mon travail, à mes affections et à mon travail pour être conduite à trois cent lieues et abandonnée avec des paroles si offensantes si navrantes sans aucun autre motif qu'une fièvre tierce, des yeux abattus et la tristesse profonde où me jetait ton indifférence. Je ne me suis jamais plainte, je t'ai caché mes larmes, et ce mot affreux a été prononcé, un certain soir que je n'oublierai jamais, dans le casino Danieli : « George, je m'étais trompé, je t'en demande pardon, mais je ne t'aime pas » Si je n'eusse été malade, si on n'eût dû me saigner le lendemain, je serais partie; mais tu n'avais pas d'argent, je ne savais pas si tu voudrais en accepter de moi, et je ne voulais pas, je ne pouvais pas te laisser seul, en pays étranger, sans entendre la langue et sans un sou. La porte de nos chambres fut fermée entre nous, et nous avons essayé là de reprendre notre vie de bons camarades comme autrefois ici, mais cela n'était plus possible. Tu t'ennuyais, je ne sais ce que tu devenais le soir, et un jour tu me dis que tu craignais... Nous étions tristes. Je te disais : « Partons, je te reconduirai jusqu'à Marseille », et tu répondais : « Oui, c'est le mieux, mais je voudrais travailler un peu ici puisque nous y sommes. » Pierre venait me voir et me soignait, tu ne pensais guère à être jaloux, et certes je ne pensais guère à l'aimer. Mais quand je l'aurais aimé dès ce moment-là, quand j'aurais été à lui dès lors, veux-tu me dire quels comptes j'avais à te rendre, à toi, qui m'appelais l'ennui personnifié, la rêveuse, la bête, la religieuse, que sais-je ? Tu m'avais blessée et offensée, et je te l'avais dit aussi : «Nous ne nous aimons plus, nous ne nous sommes pas aimés . »
Lettre publiée dans la revue de Paris 1er novembre 1896 concernant la période du mois de février 1834, extrait d'Une histoire d'amour, George Sand et Alfred de Musset, de Paul Marieton, (1897) (source Gallica)
repères à suivre: Le temps de la rupture (Madame Bovary)