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9 Octobre 2009
Le thème de la correspondance dans la littérature nous offre la possibilité de lire de belles lettres d'amour comme celle de Bonaparte à Joséphine, sa femme.
Repères: thème de la correspondance : Lettre d'amour (2)
Dans l'article précédent, nous avons lu la déclaration d'amour de Musset à George Sand, entrons plus avant dans la gradation des sentiments. Il vous sera proposé de découvrir le contenu d'une lettre pleine d'exaltation.
Le 19 ventôse 1796 (2 mars 1796), Bonaparte et Joséphine de Beauharnais se marient à la mairie du 2e arrondissement de Paris à 22 heures. La cérémonie se déroule à la va-vite. Deux jours plu tard, le nouveau marié doit prendre le commandement de l'armée pour mener la campagne d'Italie.
C'est durant son voyage qu'il adresse cette lettre plein de tendresse à sa femme. Il livre ses émotions et déborde d'amour pour celle qu'il continuera à aimer après l'annulation de son mariage.
Rappelons que le mariage fut dissous, le 15 décembre 1809, d'un commun accord entre les époux compte tenu de l'impossibilité pour Joséphine de donner un héritier à la Nation. Une répudiation en somme à laquelle elle a consenti et qui lui vaudra la reconnaissance éternelle de Napoléon.
Chanceaux, le 24 ventôse, en route pour l'armée d'Italie
« Je t'ai écrit de Chatillon, et je t'ai envoyé une procuration pour que tu touches différentes sommes qui me reviennent... Chaque instant m'éloigne de toi, adorable amie, et à chaque instant je trouve moins de force pour supporter d'être éloigné de toi. Tu es l'objet perpétuel de ma pensée ; mon imagination s'épuise à chercher ce que tu fais. Si je te vois triste, mon coeur se déchire et ma douleur s'accroît ; si tu es gaie, folâtre avec tes amis, je te reproche d'avoir bientôt oublié la douloureuse séparation de trois jours ; tu es alors légère et, dès lors, tu n'es affectée par aucun sentiment profond.
Comme tu vois, je ne suis pas facile à me contenter ; mais, ma bonne amie, c'est bien autre chose si je crains que ta santé soit altérée ou que tu aies des raisons d'être chagrine que je ne puis deviner ; alors je regrette la vitesse avec laquelle on m'éloigne de mon coeur. Je sens vraiment que ta bonté naturelle n'existe plus pour moi, et que ce n'est que tout assuré qu'il ne t'arrive rien de fâcheux que je puis être content. Si l'on me fait la question si j'ai bien dormi, je sens qu'avant de répondre j'aurais besoin de recevoir un courrier qui m'assurât que tu as bien reposé. Les maladies, la fureur des hommes ne m'affectent que par l'idée qu'elles peuvent te frapper, ma bonne amie.
Que mon génie, qui m'a toujours garanti au milieu des plus grands dangers, t'environne, te couvre, et je me livre découvert. Ah ! ne sois pas gaie, mais un peu mélancolique, et surtout que ton âme soit exempte de chagrin, comme ton beau corps de maladie : tu sais ce que dit la-dessus notre bon Ossian.
Écris-moi, ma tendre amie, et bien longuement, et reçois les mille et un baisers de l'amour le plus tendre et le plus vrai. »
Lettre de Napoléon à Joséphine de Beauharnais
Source BONAPARTE, Napoléon (1769-1821) : Lettres de Napoléon à Joséphine.- Paris : M. Vox, 1945.- 56 p. ; 17 cm.- ( 1ère série ; 4).
repères à suivre : Le temps des reproches, George Sand et Musset
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