Analyse-Livres & Culture pour tous
5 Juin 2010
La Gazette vous propose d'assister aux tendres retrouvailles d'un père et de son fils au travers d'un monument de la Littérature, l'Odyssée d'Homère.
Repères : thème du père : présentation : Figures du père
Nous poursuivons notre présentation du père dans la littérature. C'est l'occasion de mettre en relief différentes figures du père, selon une gradation passant du "bon" père au père tyrannique selon l'ordre suivant :
Nous avons lu un extrait du Grand Meaulnes d'Alain-Fournier, nous poursuivons aujourd'hui avec la troisième figure, si vous le voulez bien.
La Gazette vous propose d'assister aux tendres retrouvailles d'un père et de son fils au travers d'un monument de la Littérature, Odyssée d'Homère.
Ulysse (alias Odyssée en grec) a quitté sa femme Pénélope et son fils Télémaque pour participer à la guerre de Troie.
Au bout de dix années, il songe à revenir à Ithaque mais de nombreuses péripéties contrarieront son projet de retour qui ne verra le jour qu'au bout de dix nouvelles années.
Pénélope qui a attendu son époux durant tout ce temps est régulièrement mise en devoir de se choisir un nouveau mari. Elle diffère ce projet qu'elle n'appelle pas de ses vœux.
Cependant les prétendants au trône se sont installés dans le palais, dilapidant la fortune du royaume en festins continuels.
Revenant enfin à Ithaque sous l'aspect d'un mendiant, Ulysse s'informe de la situation pour le moins préoccupante dans son palais. Il retrouve chez un dernier fidèle son fils, Télémaque, qui ne le reconnaît pas.
L'intervention de Minerve redonne à notre héros son apparence réelle.
« Minerve agite ses sourcils ; Ulysse, à ce signe, sort de la bergerie et s'arrête devant le mur élevé de la cour. Il se tient devant la déesse, qui lui parle en ces termes :
« Noble fils de Laërte, ingénieux Ulysse, fais-toi connaître à ton fils et ne lui cache rien, pour que vous méditiez tous deux la mort des prétendants et que vous vous rendiez ensuite à la ville. Je serai bientôt moi-même à vos côtés, car je brûle de combattre. »
Minerve, eu touchant Ulysse de sa baguette d'or, le couvre aussitôt d'une riche tunique, d'un manteau superbe, et elle rend à son corps toute la vigueur et toute la jeunesse qui l'animaient et l'embellissaient autrefois. Soudain les traits du héros prennent une teinte brunie, ses joues se raffermissent, et une barbe bleuâtre ombrage son menton ; puis la déesse s'éloigne. Ulysse rentre dans la bergerie ; son fils, en l'apercevant, reste stupéfait ; il détourne les yeux, craignant de voir un immortel, et prononce ces rapides paroles :
« Étranger, tu n'es plus ce que tu étais tout à l'heure ; tu portes d'autres vêtements, et maintenant tes traits sont changés! Tu es donc un des habitants du vaste Olympe ? Alors sois-nous propice, et nous t'offrirons des sacrifices agréables et de riches présents d'or. Dieu puissant, prends pitié de nous ! »
L'intrépide Ulysse lui répond aussitôt :
« Télémaque, je ne suis pas un dieu. Pourquoi donc me comparer à un immortel ? Je suis ton père, pour lequel tu as souffert de nombreuses douleurs et supporté les outrages des hommes ! »
En disant ces mots, il embrasse son fils chéri ; les larmes qu'il avait retenues depuis si longtemps s'échappent de ses paupières, coulent le long de ses joues et tombent sur la terre. Télémaque, qui ne peut croire que ce soit là son père, dit au héros :
« Non, tu n'es point Ulysse ; tu n'es point mon père : une divinité me trompe pour augmenter encore mes peines ! Il n'est pas un mortel qui, par sa puissance, puisse opérer ce prodige, à moins qu'un dieu ne l'assiste et ne le rende à son gré jeune homme ou vieillard. Tout à l'heure tu étais vieux et couvert de haillons, et maintenant tu ressembles aux immortels qui habitent les vastes régions de l'Olympe ! »
L'ingénieux Ulysse lui parle en ces termes :
« Télémaque, puisque ton père est de retour, il ne te sied point de l'admirer et de rester ainsi surpris. Un autre Ulysse ne viendra pas à Ithaque ; c'est moi qui, après avoir erré et souffert de grands maux pendant vingt années, arrive en ces lieux chéris. Reconnais l'œuvre de Minerve protectrice, qui me fait paraître (car elle peut tout), tantôt comme un pauvre mendiant, tantôt comme un jeune homme revêtu d'habits magnifiques. Il est facile aux divins habitants de l'Olympe d'embellir ou d'enlaidir les faibles mortels. »
A ces mots il s'assied. Télémaque tient son père embrassé et soupire en répandant des larmes. Tous deux alors éprouvant le désir de pleurer, poussent des gémissements, comme des aigles ou des vautours lorsque les laboureurs leur ont ravi leurs jeunes petits : c'est ainsi que de leurs yeux coulent d'abondantes larmes." (...)
Odyssée, Homère, traduction Eugène Barestre (chant 16)
http://iliadeodyssee.texte.free.fr/aatexte/bareste/odyssbareste/odyssbareste16/odyssbareste16.htm
repère à suivre : la générosité d'un père (Hugo)