Analyse-Livres & Culture pour tous
12 Juin 2010
Nous verrons la figure du père particulièrement avare dans un extrait du roman de Balzac, Eugénie Grandet.
Repères : thème du père : présentation
Nous poursuivons notre présentation du père dans la littérature. C'est l'occasion de mettre en relief différentes figures du père, selon une gradation passant du "bon" père au père tyrannique selon l'ordre suivant :
Nous avons lu un extrait de Tartuffe de Molière nous verrons aujourd'hui la figure suivante, si vous le voulez bien, celle du père particulièrement avare dans un extrait du roman de Balzac, Eugénie Grandet.
Dans la Littérature, il est rare de voir une scène entre un père autoritaire et sa fille qui lui tient tête. Découvrez ce face à face étonnant. L'objet de la querelle concerne l'or appartenant à Eugénie Grandet. Cette dernière a fait le choix de donner son argent à l'homme qu'elle aime. Son père lui en demande des comptes. Eugénie lui résiste pour la première fois de sa vie...
"— Mon père, je vous aime et vous respecte, malgré votre colère ; mais je vous ferai fort humblement observer que j’ai vingt-deux ans. Vous m’avez assez souvent dit que je suis majeure, pour que je le sache. J’ai fait de mon argent ce qu’il m’a plu d’en faire, et soyez sûr qu’il est bien placé…
— Où ?
— C’est un secret inviolable, dit-elle. N’avez-vous pas vos secrets ?
— Ne suis-je pas le chef de ma famille, ne puis-je avoir mes affaires ?
— C’est aussi mon affaire.
— Cette affaire doit être mauvaise, si vous ne pouvez pas la dire à votre père, mademoiselle Grandet.
— Elle est excellente, et je ne puis pas la dire à mon père.
— Au moins, quand avez-vous donné votre or ? Eugénie fit un signe de tête négatif. — Vous l’aviez encore le jour de votre fête, hein ? Eugénie, devenue aussi rusée par amour que son père l’était par avarice, réitéra le même signe de tête. — Mais l’on n’a jamais vu pareil entêtement, ni vol pareil, dit Grandet d’une voix qui alla crescendo et qui fit graduellement retentir la maison. Comment ! ici, dans ma propre maison, chez moi, quelqu’un aura pris ton or ! le seul or qu’il y avait ! et je ne saurai pas qui ? L’or est une chose chère. Les plus honnêtes filles peuvent faire des fautes, donner je ne sais quoi, cela se voit chez les grands seigneurs et même chez les bourgeois ; mais donner de l’or, car vous l’avez donné à quelqu’un, hein ? Eugénie fut impassible. A-t-on vu pareille fille ! Est-ce moi qui suis votre père ? Si vous l’avez placé, vous en avez un reçu…
— Étais-je libre, oui ou non, d’en faire ce que bon me semblait ? Était-ce à moi ?
— Mais tu es un enfant.
— Majeure. "
Eugénie Grandet, Balzac
http://fr.wikisource.org/wiki/Eug%C3%A9nie_Grandet
repère à suivre : un père créancier du fils