Analyse-Livres & Culture pour tous
30 Mars 2012
(Repères : thème du corps : le feuilleton)
Résumé : journaliste dans le milieu de la presse féminine sur internet, Margot Desmoulins, âgée de trente-trois ans est une femme volontaire et heureuse. Elle a accompli le rêve de sa mère Odile qui a dû renoncer à cette profession à la naissance de sa fille. Anormalement fatiguée, la jeune femme doit néanmoins assister à la réunion hebdomadaire de la rédaction en ce 25 mars 2022. C'est ainsi qu'il lui est demandé d'effectuer un dossier complet sur les bienfaits des anneaux gastriques en matière d'amaigrissement. La jeune femme en est dépitée. Après des recherches sérieuses, elle refuse de vanter les mérites d'un procédé détourné de son objet initial. Elle considère que le corps a ses lois que l'homme ne saurait méconnaître...
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La semaine d'arrêt fut renouvelée à plusieurs reprises après que le médecin traitant mit un nom sur cette asthénie : la dépression. La fatigue et le stress avaient joué un rôle déclencheur dans son mal. On en ignorait pourtant la cause. J'ai tout pour être heureuse, je ne vois pas ce qui me rend si déprimée ! disait la malade. Voilà un terrible sentiment d'impuissance de n'y comprendre plus rien. La terre se dérobait sous ses pieds sans raison apparente. Les antidépresseurs ne lui donnaient jamais les idées totalement claires. Sa vie n'était au demeurant qu'une suite d'interrogations sans réponses. Elle repensait à sa fameuse loi du corps, à ce corps blessé par l'intervention de l'homme. Pourquoi cette question l'avait-elle autant perturbé ? La jeune femme avait perdu l'appétit et dépérissait à vue d'œil. Son corps devenait noueux, dur comme un bout de bois. Plus je me repose, plus je suis épuisée ! disait-elle à Pierre découragé. On lui enjoint alors de faire du sport...On lui trouva de la compagnie dans les longues journées de repos.
Au bout d'un mois d'arrêt maladie, à sa grande surprise, Margot vit sa mère. « Il paraît que tu es fatiguée, je t'ai préparé des plats pour te remettre d'aplomb. Tu as dû attraper un virus de la fin de l'hiver. Il ne faut pas que cette fatigue s'installe, tu dois te secouer et ne pas te laisser aller. Regarde-moi, fatiguée ou pas, j'ai toujours tout assumé, seule, la maison, ton éducation, les absences de ton père. » Ce refrain, sa fille l'avait déjà entendu des milliers de fois. Elle soupira, car elle croyait qu'une généreuse inclinaison du cœur avait conduit sa mère à venir la voir, mais elle comprenait que ses motivations étaient bien différentes. Odile n'avait de cesse de lui rappeler les sacrifices professionnels qu'elle avait consentis pour que sa fille fût ce qu'elle était devenue : une journaliste reconnue, une carrière à laquelle elle avait dû renoncer pour l'élever. Selon ses dires, Margot devait lui en être redevable pour l'éternité. La jeune femme ferma les yeux laissant sa mère à sa logorrhée. Enfin, quand partirait-elle ?
La santé de Margot ne présentait pas des signes d'amélioration. Sa thérapie ne la faisait pas progresser, pire, elle avait le sentiment d'aller de moins en moins bien sans connaître les raisons qui la conduisaient à un étiolement psychologique et à une fatigue, véritable puits sans fond.
Dans le plus grand secret, Francis, son père, vint seul à plusieurs reprises la réconforter ; sa femme restait dans la plus grande ignorance d'une démarche qu'elle n'aurait ni appréciée ni encouragée car elle ne supportait pas la léthargie de sa fille qu'elle qualifiait de mollesse. Tu comprends, lui disait-elle souvent, tout le monde craque maintenant ! Mais elle n'a aucune raison ! Qu'elle se secoue ! Le caractère ombrageux de sa femme et son extrême irritabilité avait conduit le père de Margot à agir en cachette car Madame porte la culotte ! Pris en tenaille entre le caractère difficile de son épouse et de sa fille, il essayait de les concilier tant bien que mal souvent à son préjudice car ces deux dernières s'entendaient pour lui reprocher ses initiatives souvent maladroites ; il les aimait l'une et l'autre sans parvenir à les accorder. Cela lui causait un chagrin lourd sur son cœur ;
En vérité, l'honnêteté lui rappelait le problème qu'il avait depuis trente-quatre ans sur sa conscience. Le résultat de son silence se trouvait là sous ses yeux : sa fille en payait le prix. Francis essaya de lui faire comprendre la situation à mots couverts : « Tu es une enfant qui s'est toujours battue, endurante et courageuse depuis ton premier jour, tu ne peux pas t'enfoncer comme ça dans la dépression. » Les digressions du père continuèrent sur ce mode sans éveiller en elle une lueur de compréhension. Cette dernière ne voyait en effet pas où son père voulait en venir. Regardant attentivement sa fille, il lui révéla alors ce qu'elle n'aurait jamais dû savoir, un secret de famille.
repères à suivre : le feuilleton : le secret de famille