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Analyse-Livres & Culture pour tous

Gazette littéraire

Une communauté d'expatriés perdue au cœur de l'Afrique noire (William Boyd)

Une communauté d'expatriés perdue au cœur de l'Afrique noire (William Boyd)

 

Repères : thème du ridicule : l'étude

Nous quittons l'univers du roman inachevé de Flaubert, Bouvard et Pécuchet, pour découvrir le roman de William Boyd, un Anglais sous les tropiques.

Une délégation consulaire de seconde zone

Ce roman en trois parties nous invite à découvrir les aventures rocambolesques d'un jeune diplomate anglais et nous offre aussi la peinture d'une pathétique communauté d'expatriés britanniques dans une grande ville d'Afrique noire Occidentale. À Nkongsamba, deuxième centre importante du Kinjanja, pays imaginaire, la chaleur y est accablante, l'humidité le dispute à la fournaise.

Dans cet univers pour le moins hostile, a été placée une Commission, délégation diplomatique britannique, en charge de la délivrance de visas. En réalité, le poste a pour objet la surveillance des intérêts économiques anglais dans le pays anciennement colonisé. Mais il ne s'agit pas d'un poste de première importance puisqu'il n'est même pas situé dans la capitale de l'État. On comprend que l'activité consulaire n'est pas de la toute première importance aux yeux du Foreign Office. C'est même -pour résumer- une voie de garage pour diplomates de second ordre.

Le premier adjoint, Morgan Leafy, se présente comme l'archétype parfait de l'anti-héros qui vient d'un milieu modeste et dont le parcours universitaire a été pour le moins laborieux. Doté d'un physique disgracieux, il ne représente pas l'espoir de la diplomatie britannique. Il est au Kinjanja en poste depuis trois ans : il sait qu'il aurait dû être envoyé dans un autre pays depuis plus de dix-huit mois. C'est alors qu'il prend conscience du « ridicule » de sa situation : il en conçoit une véritable frustration :

«Quel cul de sac se dit-il comme chaque fois qu'il contemplait le paysage. La seule grande ville d'un petit Etat dans un pays de second ordre en Afrique occidentale : le poste diplomatique d'une vie ! On ne pouvait même pas dire que c'était une voie de garage ricana-t-il (…) Parfois il était pris de panique ; il imaginait son dossier perdu à Whitehall, enfoui dans un classeur sans fond du ministère, et personne ne se rappelait même qu'il était ici. Ses cheveux s'en dressaient sur sa tête. »  (page 17)

 

Les agréments de la vie d'expatriés n'entament pas l'envie de quitter le pays

Néanmoins, la vie coule ses jours entre le travail routinier et le country club proposant des moments de détente autour de sa piscine où les expatriés désœuvrés viennent se baigner, lorsque les soirées dansantes ne font pas office de lieu de socialisation. Pour se distraire dans ce désert culturel, on boit plus que de raison.

Mais cette vie sous les tropiques offre bien des compensations puisqu'il est permis de se décharger de tout le côté matériel auprès d'une nuée de domestiques. L'homme blanc règne encore en maître dans cette ancienne colonie. Pourtant, à mesure de la lecture, on prend conscience du fait que tous les personnages ont en commun un souhait poignant : celui de quitter le Kinjanja.

Le désir de quitter ce pays est en effet un des ressorts de l'action du livre. Il fera faire beaucoup d'imprudences aux personnages du roman avant de devenir la cause de bon nombre de désillusions. Cette aspiration au départ n'est pas communément avoué. Entre gens de bonne compagnie, ces choses-là ne se disent pas. Cela conduirait à faire l'aveu de sa propre misère. On ne se le dit que de manière détournée. Le regard que Morgan pose sur son entourage est teinté de lucidité : il connaît les travers ridicules de ses coreligionnaires et notamment de son supérieur hiérarchique, Arthur Fanshawe spécialiste de l'Orient. Il recrée son univers parfaitement kitsch :

« Ainsi la décoration de la résidence tenait à la fois du temple bouddhiste de fortune et du restaurant chinois. »  (page 31). A la vérité, sa femme et lui dépriment dans ce coin perdu d'Afrique...

A la veille des élections présidentielles et de la période de Noël, Fanshawe trouve le moyen d'obtenir une promotion qui lui permettra de quitter ce pays. Il a besoin pour ce faire de son premier adjoint à qui il va confier une bien délicate mission....

 

Repères à suivre : l'étude : la mission délicate confiée à Morgan Leafy (W. Boyd)

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