7 Novembre 2010
Le thème de l'esprit nous mène aujourd'hui à l'examen d'un nouveau système de pensée axé sur la force du travail et le courage qu'il faut mobiliser pour surmonter la peine. Le sens de l'effort est au centre de la lettre de Boileau (XVIIe siècle) adressée à son jardinier.
repère : thème de l'esprit : présentation
Dans l'article précédent, nous avons mis en exergue l'épicurisme, découvrons aujourd'hui la force d'une toute autre pensée : le sens de l'effort.
Le travail fait partie de la condition humaine. Certes...
Seulement, il existe des activités plus fatigantes que d'autres.
La pénibilité du travail n'est pas un vain mot...
Replaçons-nous quelques siècles en arrière et découvrons avec étonnement que cette constatation avait déjà été relevée...
Prenez le parallèle curieux entre un jardinier et un poète effectué par un auteur du XVIIe siècle.
Quel est celui qui effectue le travail le plus « pénible » ? Du point de vue de Boileau, c'est le travail de l'esprit qui demande plus d'efforts.
"À mon jardinier,
(…) Antoine, de nous deux tu crois donc, je le voi,
Que le plus occupé dans ce jardin, c’est toi ?
Oh ! que tu changerais d’avis et de langage,
Si deux jours seulement, libre du jardinage,
Tout à coup devenu poète et bel esprit,
Tu t’allais engager à polir un écrit
Qui dît, sans s’avilir, les plus petites choses ;
Fît des plus secs chardons des œillets et des roses ;
Et sût, même aux discours de la rusticité,
Donner de l’élégance et de la dignité ; (...)
Bientôt de ce travail revenu sec et pâle,
Et le teint plus jauni que de vingt ans de hâle,
Tu dirais, reprenant ta pelle et ton râteau :
J’aime mieux mettre encor cent arpents au niveau,
Que d’aller follement, égaré dans les nues,
Me lasser à chercher des visions cornues,
Et, pour lier des mots si mal s’entr’accordants,
Prendre dans ce jardin la lune avec les dents.
Approche donc, et viens ; qu’un paresseux t’apprenne,
Antoine, ce que c’est que fatigue et que peine.
L’homme ici-bas, toujours inquiet et gêné,
Est, dans le repos même, au travail condamné.
La fatigue l’y suit. C’est en vain qu’aux poètes
Les neuf trompeuses Sœurs dans leurs douces retraites
Promettent du repos sous leurs ombrages frais :
Dans ces tranquilles bois pour eux plantés exprès,
La cadence aussitôt, la rime, la césure,
La riche expression, la nombreuse mesure,
Sorcières dont l’amour sait d’abord les charmer,
De fatigues sans fin viennent les consumer.
Sans cesse poursuivant ces fugitives fées,
On voit sous les lauriers haleter les Orphées.(...)"
épitre XI, Boileau source :
http://fr.wikisource.org/wiki/%C3%89pitre_XI_%28Boileau%29
repère à suivre : Diderot et d'Alembert