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Analyse-Livres & Culture pour tous

Gazette littéraire

Un banal accident de la circulation (1)

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Repères : thème de la fratrie : le feuilleton : les déshéritées



Un accident de la circulation

 En ce milieu d'après-midi du 30 janvier 2001, la première personne que vit Raymond Cordier en se réveillant dans cette grande pièce d'un blanc immaculé fut sa femme Annette qui lui souriait tendrement. Mariés depuis quarante-cinq ans, ils formaient un couple plus uni que jamais. "Qu'est-ce que je fais là ? " demanda faiblement Raymond. "Tu es à l'hôpital, tu as eu un accident de la route" lui répondit sa femme. Il se souvint en effet d'un bruit de tôle pliée. Il n'aurait jamais dû donner ce coup de frein. Il connaissait la route par cœur. Un accident de circulation dans un rayon de moins de cinq kilomètres. L'assureur qu'il avait été connaissait la chanson. Ce sont les accidents les plus courants et les plus mortels...Sous l'effet du verglas, sa voiture avait quitté la chaussée pour finir sa course après plusieurs centaines de mètres dans le fossé. "Tout va bien, ne t'inquiète pas" lui dit-elle doucement en lui caressant le visage ; Raymond avait été un bel homme, un Adonis élancé, musclé, blond aux yeux bleus ; il en conservait de beaux restes. Il regarda en cet instant sa femme avec le même regard qu'il posa sur elle la première fois qu'il l'avait vue dans sa tenue d'équitation, chic, sportive et volontaire. Sa blondeur cendrée et son regard azur l'avaient conquis sur le champ. Un vrai coup de foudre que l'opposition des parents d'Anne, authentiques aristocrates, cherchèrent vainement à éteindre au motif que l'héritière des haras de Beaumont ne pouvait épouser un vulgaire représentant de commerce.


Sous sédatif, le blessé referma à nouveaux les yeux. Il souffrait d'une fracture de la diaphyse fémorale qui l'avait conduit à connaître une complication sérieuse, une embolie graisseuse. Il avait eu une défaillance respiratoire prise en charge rapidement. Son cas nécessitait une opération chirurgicale, puis une rééducation sur de longs mois. Premier vrai problème de santé durant les soixante-cinq années de vie de Raymond.

Les enfants Cordier

Annette se souvint avec émotion des évènements de la matinée et notamment de l'appel de la gendarmerie normande de Vendeuil vers dix heures du matin alors qu'elle revenait de panser une jument. La mine décomposée, elle ne put qu'aller chercher en courant sa nièce Martine qui travaillait sur le domaine. La femme de Raymond Cordier la considérait comme son troisième enfant. Immédiatement, cette dernière se proposa de la conduire à l'hôpital et d'attendre avec elle les résultats. Annette pensa dans la voiture à ses enfants. "Qu'allait-elle leur dire ?" Pour l'heure, l'angoisse l'étreignait dans toute sa chair. Dans un instant de lucidité, elle se dit que la seule chose qu'elle leur cacherait tenait au rôle précieux que sa nièce avait joué dans cette triste occasion. La relation privilégiée qu'elle entretenait avec la jeune femme n'avait jamais été du goût de ses filles, lesquelles ne voyaient celles qu'elles appelaient leur "diaphane cousine" qu'avec un franc déplaisir. La mère essayait toujours de minimiser les rancœurs de ses filles. "Elles sont jeunes, elles sont possessives, jalouses du réservoir d'amour de leurs parents, leur héritage exclusif." Fort heureusement, cette inimitié perceptible, Martine n'y prêtait plus attention. Elle savait qu'elle aimait son oncle et sa tante de manière désintéressée. C'est même elle qui insista auprès d'Annette pour qu'elle téléphonât à ses filles lorsqu'on sut la nature des blessures de Raymond. Cette dernière émit encore faiblement des réserves.

- Je vais les choquer avec cette nouvelle et je n'ai encore rien de précis à leur dire, dit la mère.

- C'est leur père, elles doivent être mises au courant de l'accident. Allez, appelle-les, lui répondit Martine.

 

Repères à suivre : le feuilleton : les déshéritées : 2ème partie

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