Analyse-Livres & Culture pour tous
25 Novembre 2013
(littératus)
repères : thème de la porte : l'étude
Résumé : dans l'article précédent, nous avons indiqué que le titre du roman de Laurent Gaudé, La Porte des Enfers, nous renvoie à une vision eschatologique d'une vie après la mort. En réalité, ce n'est pas une porte mais des portes que le récit met en perspective. De nombreuses portes balisent en effet la lecture de ce livre qui se perd dans le temps et dans l'espace. On approche de la porte des Enfers après avoir pénétré dans des lieux sinistres remplis de plaintes animales et d'ombres menaçantes. Que trouve-t-on derrière cette porte monstrueuse ?
***
La porte des Enfers s'ouvre dans un fracas terrible de gonds rouillés. Deux battants immenses en bronze s'élargissent avec une lenteur menaçante. Matteo à la recherche de son fils suit une ombre et pénètre dans ce lieu terrible. La porte se referme aussitôt. On découvre non un lieu clos, mais un paysage désolé. Le champ lexical est bien celui de la mort et de la désolation, la terre est sèche et noire et mène à un « fleuve des Larmes » (page 182). Un tourbillon noir entraîne des âmes gémissantes. L'itinéraire conduit ensuite devant des « buissons sanglants » (page189), puis face à une citadelle des morts. Matteo découvre enfin une foule d'âmes qui marchent en spirale vers le centre. Une « incandescence variable » (page 195) surgit de ce cortège grinçant qui représente les âmes des défunts :
«Les ombres auxquelles on pense encore dans le monde des vivants celles dont on honore la mémoire et sur lesquelles on pleure sont lumineuses. Les autres, les morts oubliés, se ternissent et glissent à toute allure vers le centre de la spirale. » (page 195). Dans cette foule, le père découvre enfin son petit garçon, Pippo.
La quête du père ne se fait pas sans peine au royaume des Enfers. Il lutte pour attraper son fils retenu par d'autres âmes haineuses. La foule est déchaînée contre lui, une lutte se fait jour. Une seule solution s'impose à Matteo :
« Il posa les lèvres sur le visage du petit, comme pour un baiser, et, avec lenteur et délicatesse, il l'aspira tout entier. L'ombre glissa en lui, comme une eau calme que l'on absorbe. (…)
Il avait repris son fils et il le protégeait dorénavant de tout son corps, de toute sa pesanteur d'homme vivant, avec ardeur. » (page 199)
Il est enfin temps de sortir de ce lieu infernal et de franchir avec l'enfant retrouvé à nouveau cette porte imposante.
Le père éprouve les plus grandes difficultés à s'extraire des enfers. Son corps s'ankylose ; des forces occultes empêchent Matteo de partir avec son fils. Les Enfers sont comptables du nombre d'âmes : il leur en manque une. Le père effectue alors un sacrifie ultime et prend la place de son fils aux enfers renvoyant son petit garçon dans le monde aérien. Matteo le regarde partir et voit la porte monumentale des Enfers se refermer sur lui...implacable.
Le fils réalisera la vengeance du père et retrouvera sa mère devenue folle dans un asile. La dernière porte du livre est celle de la chambre de Giuliana. Pippo l'ouvre non sans anxiété :
« Nous sommes trois, à nouveau. J'entre avec mon père dans la chambre de ta démence, ma mère.(…) J'ouvre la porte. Le temps d'un instant, Giuliana, la mort n'existe pas. » (page 267)
La mort n'existe pas en effet puisque l'on porte toujours en nous le souvenir de nos disparus...
repères à suivre : l'étude : sa synthèse