1 Novembre 2012
Il vous est proposé de vous intéresser au thème du pont dans la poésie avec le célèbre pont Mirabeau d'Apollinaire, ce qui nous permettra d'entrer sur la rive de la littérature.
(Repères : thème du pont : éditorial)
Avant d'entrer dans la thématique qui s'ouvre, lisons ensemble ce poème d'anthologie, extrait du recueil Alcools d'Apollinaire. Ce dernier l'a composé à la suite de sa séparation avec le peintre Marie Laurencin.
Il vous est proposé d'utiliser la Méthode Des 6 GROSSES CLEFS © que nous utilisons dans cette Gazette pour analyser les textes.
Il s’agit de prendre le texte sous six angles à l'aide du moyen mnémotechnique suivant :
6 GROSSES CLEFS
Gr : grammaire C : Conjugaison
OS : oppositions le : champ lexical
SE : les 5 sens FS : figures de style
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu’il m’en souvienne
La joie venait toujours après la peine
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
Les mains dans les mains restons face à face
Tandis que sous
Le pont de nos bras passe
Des éternels regards l’onde si lasse
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
L’amour s’en va comme cette eau courante
L’amour s’en va
Comme la vie est lente
Et comme l’Espérance est violente
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
Passent les jours et passent les semaines
Ni temps passé
Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
(Apollinaire, le pont Mirabeau, extrait d'Alcools
https://fr.wikisource.org/wiki/Le_Pont_Mirabeau
Grammaire
Avant de commencer, il faut relever la composition harmonieuse et classique de ce poème : il s'agit de quatre quatrains entrecoupés de quatre distiques, ces derniers formant un refrain mélodieux.
La construction est remarquable de régularité formelle. C'est par le complément de lieu "sous le pont..." que débute et s'achève le texte. Cela donne un effet d'accentuation à l'emplacement célébré qui autorise bien des parallèles entre l'ouvrage d'art et les sentiments du poète. Cette construction se reproduit en L9. Cette construction conduit à l'inversion du sujet et du verbe repris en L1, L3,L5,L10, L19 avec un effet de nostalgie évident.
Le sujet est le héros d'un amour malheureux qui évoque son abandon par le "je" L6, le "me" L3. Les tournures impersonnelles donnent aussi un effet de généralité "Faut-il" L3 ou des considérations générales "la nuit" L5, "la vie" L14, "le temps" L21. On est dans le domaine de la méditation.
Oppositions
Ce poème comprend bien des oppositions. Le "je" qui se distingue du "nos". C'est aussi le jeu d'opposition entre la joie/peine L4, la nuit/jours L5 et 6, s'en vont/demeure L6, lente/violente L14 et 15, les jours/semaines L19 et 20. L'effet recherché est le contraste voulu par l'auteur, comme dans la tradition poétique classique.
Sens
La vue et l'ouïe sont convoqués dans ce poème, deux sens de l'image qui fait surgir des émotions du héros malheureux.
Conjugaison
On note l'emploi de trois modes.
Le premier, l'indicatif, avec le présent et l'imparfait de narration "il m'en souvienne" L3, "La joie venait" L4 et de vérité générale "passent les jours ni le temps passé ni les amours reviennent" L20-21. Le contraste des deux valeurs de ce présent se confrontent pour mieux provoquer des sentiments.
Mais on trouve aussi le subjonctif dans le distique : c'est donc que l'on sous-entend la conjonction :
(que) Vienne la nuit sonne l’heure.
Mais c'est bien un mode de la méditation qui est exprimé dans ce refrain, celui de l'apitoiement d'un être seul et abandonné par la femme qu'il a aimée.
On trouve enfin l'impératif "restons" en L7. C'est encore une volonté du poète de se souvenir d'un moment tendre désormais passé.
Champ lexical
Le thème de l'amour apparaît avec les éléments du corps : mains, bras, face, regard.
Le thème du temps est rythmé par la sonnerie :
"sonne l’heure"
Le thème du temps qui passe, avec les jours et semaines
Figures de style
Apollinaire use de comparaisons entre la Seine et l'amour, des métaphores et des répétitions. Cela donne un un effet très imagé, rythmique d'une lenteur équivalente à un lent sanglot. On trouve des accents verlainiens.
repère à suivre :