Analyse-Livres & Auteurs-Culture
Madame du Châtelet (1706-1749) est la meilleure illustration de l'intellectuelle : elle est capable de concevoir et de rédiger des œuvres scientifiques de première importance (mathématiques, physiques) et de disserter sur des points philosophiques, notamment sur le bonheur.
Repères : thème de la femme dans la littérature : présentation
Après la critique des femmes "savantes" par Molière et la prise de conscience de la nécessité d'une éducation pour les filles, venons-en à l'archétype de la femme instruite du XVIIIe siècle.
Madame du Châtelet (1706-1749) est la meilleure illustration de l'intellectuelle : elle est capable de concevoir et de rédiger des œuvres scientifiques de première importance (mathématiques, physiques) et de disserter sur des points philosophiques.
Son décès plongea Voltaire dans un chagrin profond.
Il vous est proposé aujourd'hui de lire un extrait du discours sur la question de bonheur.
Madame du Chatelet considère que la recherche des plaisirs mène au bonheur et argumente son point de vue.
"II faut commencer par se bien dire à soi-même et par se bien convaincre que nous n'avons rien à faire dans ce monde qu'à nous y procurer des sensations et des sentiments agréables. Les moralistes qui disent aux hommes : réprimez vos passions, et maîtrisez vos désirs, si vous voulez être heureux, ne connaissent pas le chemin du bonheur. On n'est heureux que par des goûts et des passions satisfaites ; je dis des goûts, parce qu'on n'est pas toujours assez heureux pour avoir des passions, et qu'au défaut des passions, il faut bien se contenter des goûts. Ce serait donc des passions qu'il faudrait demander à Dieu, si on osait lui demander quelque chose [...].
Mais, me dira-t-on, les passions ne font-elles pas plus de malheureux que d'heureux ? Je n'ai pas la balance nécessaire pour peser en général le bien et le mal qu'elles ont faits aux hommes ; mais il faut remarquer que les malheureux sont connus parce qu'ils ont besoin des autres, qu'ils aiment à raconter leurs malheurs, qu'ils y cherchent des remèdes et du soulagement. Les gens heureux ne cherchent rien, et ne vont point avertir les autres de leur bonheur ; les malheureux sont intéressants, les gens heureux sont inconnus. [...]
On connaît donc bien plus l'amour par les malheurs qu'il cause, que par le bonheur souvent obscur qu'il répand sur la vie des hommes. Mais supposons, pour un moment, que les passions fassent plus de malheureux que d'heureux, je dis qu'elles seraient encore à désirer, parce que c'est la condition sans laquelle on ne peut avoir de grands plaisirs ; or, ce n'est la peine de vivre que pour avoir des sensations et des sentiments agréables ; et plus les sentiments agréables sont vifs, plus on est heureux. Il est donc à désirer d'être susceptible de passions, et je le répète encore : n'en a pas qui veut. "
Discours sur le bonheur, Madame du Châtelet-
https://expositions.bnf.fr/lumieres/pedago/fiche_2.pdf
Repères à suivre : Portrait de femme : la muse célébrée