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La Gazette vous propose de lire un extrait de la comédie de Shakespeare (1594) qui met en scène une mégère apprivoisée : l'irascible Catharina est un parti impossible pour celui qui aime la tranquillité. Arrive Petruchio qui se fait fort de rendre douce celle qu'il accepte d'épouser. Pari impossible ?
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Après la femme idéalisée chère à Pétrarque, découvrons une femme d'une toute autre nature, moins docile, voire carrément rebelle...
La Gazette vous propose de lire un extrait de la comédie de Shakespeare (1594) qui met en scène une mégère apprivoisée.
Précisons le contexte : appartenant à la riche noblesse de Padoue, Baptista est père de deux filles que tout oppose : l'aînée, Catharina possède un caractère exécrable tandis que sa cadette, Bianca, présente au contraire un doux tempérament.
Le mariage de l'aînée commande chronologiquement celui de la seconde. Mais quel sera l'homme assez fou pour épouser -même bien dotée- l'irascible Catharina ?
Pétruchio, gentilhomme en quête de fortune, entreprend d'en faire son affaire.
Il rencontre, dans cet extrait, l'heureuse dulcinée : l'entretien est passablement orageux. Catharina est bien à la hauteur de son caractère.
Mais le fiancé ne s'en laisse pas compter...
"Baptista.
Eh bien, — signor Petruchio ? Comment cela va-t-il avec — ma fille ?
Petruchio.
Parfaitement, comme de juste ! Parfaitement ! — Il était impossible que je ne réussisse pas.
Baptista.
— Eh bien, Catherine, ma fille ? Avez-vous toujours l’humeur sombre ?
Catharina.
— Vous m’appelez votre fille ! Sur ma parole, — vous me donnez une belle preuve de tendresse paternelle — en voulant me marier à un demi lunatique, — à un ruffian sans cervelle, à un moulin à serments — qui croit vous en imposer avec ses jurons !
Petruchio.
— Beau-père, voici le fait : vous et tous les gens — qui parlent d’elle, vous vous méprenez sur son compte : — si elle est hargneuse, c’est par politique, — car, loin d’être arrogante, elle est modeste comme la colombe ; — loin d’être violente, elle est paisible comme le matin. — Pour la patience, c’est une seconde Griselle, — et une Lucrèce romaine pour la chasteté. — Bref, nous nous sommes si bien accordés — que les noces sont fixées à dimanche.
Catharina.
— Je te verrai plutôt pendre dimanche.
Gremio.
— Tu entends, Petruchio ! Elle dit qu’elle te verra plutôt pendre.
Tranio.
à Petruchio.
— Est-ce là tout votre succès ! Alors, adieu notre pacte !
Petruchio.
- Patience, messieurs ! je la choisis pour moi-même. — Si elle et moi nous sommes satisfaits, que vous importe, à vous ? — Il a été convenu entre nous deux, quand nous étions seuls, — qu’elle continuerait à être hargneuse en compagnie. — Je vous dis que c’est incroyable — comme elle m’aime. Oh ! la tendre Catherine ! — Elle se pendait à mon cou, elle me prodiguait — baiser sur baiser, faisant serment sur serment — qu’en un clin-d’œil elle s’était éprise de moi !—Ah ! vous êtes des novices ! C’est merveille de voir — comment, dans le tête-à-tète, — le plus chétif galant peut apprivoiser la plus intraitable sauvage... —Donne-moi ta main, Cateau : je vais à Venise — acheter le trousseau nécessaire pour la noce. Préparez la fête, beau-père, et invitez les convives ; — je veux être sûr que ma Catherine sera belle."
La mégère apprivoisée, Shakespeare,
http://fr.wikisource.org/wiki/La_Sauvage_apprivois%C3%A9e
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