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(Repères : thème du pont : présentation)
Le pont est aussi un lieu éminemment stratégique puisqu'il permet ou empêche la prise d'une ville ou d'un territoire. De nombreuses batailles se sont cristallisées précisément autour de cet ouvrage d'art avant d'être célébrées par la littérature.
Durant les articles à venir, nous choisirons dans le répertoire français des récits relatifs aux campagnes napoléoniennes, véritables épopées. Il vous sera proposé aujourd'hui de vous familiariser avec la bataille du pont d'Arcole.
Précisons le contexte :
Situé sur les rives de l'Adige en Italie, le pont se voit le théâtre d'un feu violent nourri par l'armée autrichienne. Bonaparte s'élance à la tête de ses hommes pour forcer le passage, mais se trouve renversé dans les marais.
La bataille du Pont d'Arcole dure ainsi deux jours (15-17 novembre 1796) avant qu'une diversion ne soit mise en œuvre par le général Augereau qui, en faisant établir un pont à tréteaux, prend à revers la partie adverse. Le pont d'Arcole finit par céder devant les troupes françaises.
Dans l'extrait du jour, l'accent est mis sur le caractère dramatique et violent de la bataille ainsi que sur l'héroïsme de Bonaparte, dont les qualificatifs élogieux ne manquent pas...
***
"(...)
Étroit était le pont ; loin était le rivage.
Un monde séparait la plage de la plage.
Haletants, les vivants sur ses bords s’entassaient.
Mais les morts plus nombreux leur défendaient l’entrée.
Au loin ils refoulaient une foule enivrée ;
Et les canons hurlants jamais ne se lassaient.
Ils essuyaient leur gueule aux roseaux des Maremmes,
Et puis recommençaient ; et puis sur les flots blêmes
Volaient les habits bleus troués en cent endroits ;
Les peuples épuisaient le pur sang de leur veine,
Et pas un ne pouvait, dans l’homicide plaine,
Toucher, sans en mourir, la barrière des rois.
Étroit était le pont, close était la barrière.
La foule sur ses pas retournait en arrière.
L’alouette gauloise en son nid s’envolait,
Appelant ses petits. Au champ de l’espérance
Le nouvel étendard avait perdu sa lance ;
Et la vague d’Arcole en son lit reculait.
Mais voilà qu’un cheval erre dans la mêlée.
Moins blanche était la neige au flanc de la vallée.
Voilà qu’un cavalier a quitté les arçons.
Ah ! Moins prompt est le cerf quand la biche est blessée.
Voilà que dans ses bras, comme sa fiancée,
Il a pris l’étendard aimé des nations.
Et puis, s’enveloppant de ses plis tricolores,
Il arbore, en courant, sur les arches sonores
La nouvelle bannière. à son nom, effrayés,
Les sabres sur son front ont glissé sans murmure ;
Se rappelant celui qui leur fait leur pâture,
Les canons ont léché la poudre de ses pieds. (...)"
Napoléon, Edgar Quinet
repères à suivre : présentation : un pont sur la Bérézina (Balzac)