Analyse-Livres & Culture pour tous
20 Mars 2013
Repère : thème de soi : l'étude
Résumé : il a été précisé dans l'article précédent la coexistence de nombreux monologues de personnes qui se croisent par hasard au sein d'une même journée d'été. Mrs Dalloway s'abîme dans ses pensées avant qu'un événement ne la divertisse et ne fasse pencher la narration, après diverses digressions, vers un autre personnage, Septimus Warren Smith, dépressif et suicidaire. Ce dernier est justement observé par Peter Walsh, l'ancien amoureux éconduit par Clarissa Dalloway. Qui est Peter Walsh, si ce n'est le miroir sans complaisance de Mrs Dalloway ?
Les retrouvailles
Peter Walsch revient d'Inde dans l'espoir d'obtenir des renseignements utiles permettant le divorce de la femme mariée qu'il aime. Autrefois, il a été l'amoureux de Clarissa Dalloway avant qu'elle ne l'éconduise, lassée de son caractère possessif et de leurs éternelles disputes. Après toutes ces années, elle se dit heureuse et soulagée de ne pas l'avoir épousé. Elle sait qu'il lui a toujours reproché sa froideur. C'est dans cette disposition d'esprit qu'elle le reçoit chez lui.
Durant les premiers instants de ces retrouvailles, ils retrouvent rapidement chez l'un et l'autre les mêmes manies et petits défauts d'autrefois. Ils en conçoivent de l'irritation réciproque. Or, il se passe un moment tout à fait inattendu où les héros se rapprochent, se touchent. L'émotion est palpable de part et d'autre. Pour Clarissa, c'est une fulgurance : elle vit un instant de vrai bonheur conjugal : « et d'un coup avait surgi comme une évidence : si je l'avais épousé, j'aurai connu cette allégresse à chaque instant !
Pour elle, c'était terminé. Le drap était bien tendu, et le lit étroit. Elle était montée seule dans la tour, laissant les autres cueillir des mûres au soleil. » (page 121)
La question du bonheur est en effet posée par ces quelques lignes ; nous sommes au centre des pensées de notre héroïne. Peter veut précisément l'entendre lui dire qu'elle n'est pas heureuse. Mais au moment où il veut s'en assurer, surgit de manière impromptue la fille de Clarissa. C'est une immense frustration pour cet homme blessé ; il part vexé et commence à ressasser son passé. Il repense à cette femme qu'il a aimée et aux circonstances de leur rupture. Il essaye de voir clair en elle...
Le magnétisme de Mrs Dalloway
Peter essaye de cerner la personnalité de celle qu'il vient de revoir : après tant d'années, elle le fascine toujours en dépit de ses préjugés, de son snobisme et de sa froideur. Plus tard dans la journée, il la regarde évoluer -en société- au cours de sa réception où elle conduit le Premier ministre au travers du salon avec une dignité parfaite.
Elle est l'incarnation d'une femme pleinement maîtresse d'elle-même, ce qui est loin de la réalité de son être.
C'est au tour de Peter de connaître un moment d'illumination parfait : il comprend à son passage qu'elle a toujours dégagé en lui une impression singulière. Il essaye de la définir :
« voilà l'impression qu'elle produisait, car elle avait toujours ce don d'être, d'exister, de résumer l'ensemble de l'existence au moment où elle passait.» (page 293).
Mrs Dalloway possède ce charme quasi magnétique qui permet de sentir sa présence, de magnifier l'instant. Il s'agit bien entendu d'une impression dont elle n'a nulle conscience.
Sa présence dans le monde des autres provoque un double sentiment. Peter se questionne sur ce point :
« Qu'est-ce que cette terreur ? Qu'est-ce que cette extase ? se demande-t-il. Qu'est-ce qui peut me remplir de ce sentiment d'exaltation ? C'est Clarissa dit-il ». (page 321) On note la dualité du sentiment terreur/extase, les mêmes mots dans la pensée de Clarissa lorsqu'elle évoque elle-même la mort....
Changeons d'atmosphère très high society avec un autre roman anglais qui concerne davantage la middle class en nous plongeant dans les abîmes du moi : La vie très privée de Mr. Sim de Jonathan Coe,
Repères à suivre : l'étude : de l'absence d'amour de soi (J.Coe)