Analyse-Livres & Culture pour tous
11 Janvier 2014
Repères : thème des mythes : présentation
Dans l’article précédent, il a été circonscrit l’objet de l’étude des mythes littéraires au travers de trois grands axes:
Il sera en effet question, dans les prochains articles, de mettre en évidence les différentes adaptations d’un mythe célèbre par-delà les siècles. Il s’agit d’Œdipe créé par Sophocle dans sa pièce Œdipe-roi. L’histoire de ce personnage sera reprise à des niveaux de langages différents par de nombreux auteurs ; nous laisserons cependant de côté l’interprétation freudienne du mythe qui nous conduirait à dépasser le cadre proprement littéraire. Nous comparerons, si vous le voulez bien, quatre œuvres :
Précisons brièvement les données de cette histoire célèbre. Un double crime affreux, à savoir un inceste et un parricide, est à l’origine de la colère des dieux lesquels ont laissé s’abattre un fléau sur la cité. Les oracles sont appelés à comprendre la nature du désordre dans l’ordonnancement du monde. Ils découvrent une ignominie de la nature. La révélation qu’ils feront fait l’effet d’un coup de tonnerre. En tuant son rival, Laïus, Œdipe a tué son père ce qui lui a permis d'épouser sa propre mère ; avertie de ce crime, Jocaste se suicide, Œdipe se crève les yeux avant de se faire bannir…
Nous nous placerons, si vous le voulez bien, au moment de la révélation du double crime. Dans l’extrait du jour, c’est Œdipe qui mesure toute l’étendue du malheur qui s’abat sur lui et sur ses enfants frères et sœurs (Etéocle, Polynice, Antigone et Ismène). Nous avons affaire à un héros sincère et désintéressé qui pense aux conséquences sociales pour sa lignée...
***
« Œdipe
Que toutes les félicités t’arrivent ! Qu’un daimôn* veille mieux sur toi que sur moi ! Ô mes enfants, où êtes-vous ? Venez ici, venez toucher mes mains, ces mains fraternelles qui ont fait, des yeux naguère brillants de votre père, ce qu’ils sont maintenant ! de votre père, ô mes filles, qui, ne voyant, ni ne sachant, a fécondé le sein qui l’avait conçu ! Je vous pleure, car je ne puis vous voir, en songeant combien votre vie sera cruelle désormais parmi les hommes. À quelles assemblées de citoyens irez-vous ? à quelles théories, d’où vous reviendrez dans la demeure, pleurant et non joyeuses de ce que vous aurez vu ? Et quand vous atteindrez l’âge des noces, qui osera, ô mes enfants, subir tant d’opprobres qui accableront de misères mes parents et les vôtres ? Quel malheur, en effet, n’ai-je pas subi ? Votre père a tué son père, il s’est uni à la mère qui l’avait conçu, et il vous a fait naître du sein dont il est né ! Vous subirez ces reproches. Qui donc vous épousera ? Personne, ô mes enfants, et il vous faudra mourir vierges et stériles ! Ô fils de Ménoikeus**, puisque tu restes seul pour être leur père, car nous qui les avons engendrées, nous sommes tous deux morts, ne souffre pas qu’elles mendient, sans époux, sans famille, ni qu’elles vagabondent çà et là sans enfants. N’égale pas leurs maux aux miens ; mais prends pitié d’elles que tu vois si jeunes, privées de tout appui, hors le tien. Promets, ô bien né ! et donne-moi ta main en gage de ta foi. Pour vous, ô enfants, si vous pouviez me comprendre je vous donnerais de nombreux conseils ; mais, du moins, je ferai ce vœu que, là où vous vivrez, vous jouissiez d’une meilleure destinée que celle du père qui vous a engendrées ! »
Œdipe-roi, Sophocle
http://fr.wikisource.org/wiki/%C5%92dipe_%28S%C3%A9n%C3%A8que%29
*un esprit tutélaire
**Créon, l’oncle d’Oedipe
repères à suivre : Œdipe de Sénèque