Analyse-Livres & Culture pour tous
6 Décembre 2009
Le thème du temps exige que l'on s'intéresse à sa mesure. Edgar Poe, dans sa célèbre nouvelle, le puits et le pendule, nous fait entrer dans l'univers fantastique.
Repères: thème du temps: les variations du temps (2)
Dans l'article précédent, il a été question de définir la notion du temps, intéressons-nous à sa mesure.
Edgar Poe
La Gazette vous propose de vous intéresser à la mesure du temps en compagnie d'un auteur que la Gazette affectionne : Edgar Allan Poe.
Auteur américain du XIXe siècle, il est connu mondialement pour ses nouvelles fantastiques. Dans ces colonnes, nous avons publié ainsi des extraits des œuvres suivantes :
Aujourd'hui nous resterons dans l'univers paranormal avec un appareil de mesure du temps particulier.
Une montre, une horloge ? Non, à l'aide d'un instrument qui oscille de manière constante : un pendule.
Précisons brièvement l'intrigue : à la suite d'un procès instruit par l'Inquisition, le narrateur se trouve conduit dans une pièce carrée au centre de laquelle se trouve un puits circulaire ; il doit affronter des châtiments terribles...
La problématique du temps se pose dès lors avec acuité : le temps est assassin.
Découvrez un extrait du puits et du pendule, qui vous fait pénétrer dans le monde fantastique :
« Je levai les yeux, et j’examinai le plafond de la prison. Il était à une hauteur de trente ou quarante pieds, et, par sa construction, il ressemblait beaucoup aux murs latéraux. Dans un de ses panneaux, une figure des plus singulières fixa toute mon attention. C’était la figure peinte du Temps, comme il est représenté d’ordinaire, sauf qu’au lieu d’une faux il tenait un objet qu’au premier coup d'œil je pris pour l’image peinte d’un énorme pendule, comme on en voit dans les horloges antiques. Il y avait néanmoins dans l’aspect de cette machine quelque chose qui me fit la regarder avec plus d’attention. Comme je l’observais directement, les yeux en l’air, — car elle était placée juste au-dessus de moi, — je crus la voir remuer. Un instant après, mon idée fut confirmée. Son balancement était court, et naturellement très lent. (…)
Il pouvait bien s’être écoulé une demi-heure, peut-être même une heure, — car je ne pouvais mesurer le temps que très imparfaitement, — quand je levai de nouveau les yeux au-dessus de moi. Ce que je vis alors me confondit et me stupéfia. Le parcours du pendule s’était accru presque d’un yard ; sa vélocité, conséquence naturelle, était aussi beaucoup plus grande. Mais ce qui me troubla principalement fut l’idée qu’il était visiblement descendu. J’observai alors, — avec quel effroi, il est inutile de le dire, — que son extrémité inférieure était formée d’un croissant d’acier étincelant, ayant environ un pied de long d’une corne à l’autre ; les cornes dirigées en haut, et le tranchant inférieur évidemment affilé comme celui d’un rasoir. Comme un rasoir aussi, il paraissait lourd et massif, s’épanouissant, à partir du fil, en une forme large et solide. Il était ajusté à une lourde verge de cuivre, et le tout sifflait en se balançant à travers l’espace. »
Edgar Poe, Nouvelles histoires extraordinaires, le puits et le pendule, traduction de Baudelaire, Wikisource.
Repères à suivre : Le temps suspendu (Lamartine)