Analyse-Livres & Culture pour tous
17 Mars 2010
Le métier de peintre s'apprend avec un bon professeur. Retrouvez la leçon de peinture dispensée par un maître dans le chef d'œuvre inconnu de Balzac : une passion en action...
Repères: thème du travail: les tourments et les joies du métier (7)
Le Travail d'un artiste-peintre nécessite une certaine technique et beaucoup d'inspiration.
La Gazette vous propose d'assister à une leçon magistrale donnée par un vieux peintre à deux apprentis : la passion créatrice en action.
Avis à tous les peintres confirmés ou en herbe...
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« Tout en parlant, l'étrange vieillard touchait à toutes les parties du tableau : ici deux coups de pinceau, là un seul, mais toujours si à propos qu'on aurait dit une nouvelle peinture, mais une peinture trempée de lumière. Il travaillait avec une ardeur si passionnée que la sueur se perla sur son front dépouillé ; il allait si rapidement par de petits mouvements si impatients, si saccadés, que, pour le jeune Poussin il semblait qu'il y eût dans le corps de ce bizarre personnage un démon qui agissait par ses mains en les prenant fantastiquement contre le gré de l'homme. L'éclat surnaturel des yeux, les convulsions qui semblaient l'effet d'une résistance donnaient à cette idée un semblant de vérité qui devait agir sur une jeune imagination. Le vieillard allait disant : -- paf, paf, paf ! voila comment cela se beurre, jeune homme ! venez, mes petites touches, faites-moi roussir ce ton glacial ! Allons donc ! Pon ! Pon ! Pon ! disait-il en réchauffant les parties où il avait signalé un défaut de vie, en faisant disparaître par quelques plaques de couleur les différences de tempérament, et rétablissant l'unité de ton que voulait une ardente Egyptienne.
-- Vois-tu, petit, il n'y a que le dernier coup de pinceau qui compte. Porbus en a donné cent, moi, je n'en donne qu'un. Personne ne nous sait gré de ce qui est dessous. Sache bien cela !
Enfin ce démon s'arrêta, et se tournant vers Porbus et Poussin muets d'admiration, il leur dit : -- Cela ne vaut pas encore ma Belle-Noiseuse, cependant on pourrait mettre son nom au bas d'une pareille œuvre. Oui, je la signerais, ajouta-t-il en se levant pour prendre un miroir dans lequel il la regarda.»
Balzac, le chef d'oeuvre inconnu, chapitre 1er, Wikisource.
Repères à suivre: L'homme de foi (Bossuet)