8 Juin 2011
Un beau couvert ouvre indéniablement l'appétit. Voyons même la fascination toute poétique d'un convive pour des assiettes peintes au travers d'un poète du Parnasse, Marot...
Il vous est proposé au cours des articles qui vont être publiés durant cette première quinzaine de vous intéresser aux plaisirs de la table avec une série d'articles divers :
Après avoir vu les périlleux scrupules d'un cuisinier célèbre, Vatel, dressons ensemble le couvert.
Mais quel couvert mettre ?
La question peut prêter à sourire chez certains, chez d'autres pas du tout...
Un beau couvert ouvre indéniablement l'appétit.
Voyons même la fascination toute poétique d'un convive pour des assiettes peintes...
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J'estime ces vieilles auberges
Comme les villes n'en ont pas ;
Dans leur salle, aux rideaux de serges,
On fait d'impayables repas.
La folle bière, aux creux des pintes,
Prélude aux chansons du dessert ;
Dans de grandes assiettes peintes
Un aubergiste lent vous sert
Quelque fruit ou bien des rillettes
Comme les fermières en font ;
Et votre œil suit, sur ces assiettes,
Les beaux dessins qui sont au fond.
On les contemple sans partage :
Ce sont des amoureux furtifs
Qu'un Palissy de bas étage
Fixa sur des émaux naïfs.
Dans un encadrement trés-souple
Aux lisières d'un bois de pins
Est assis un rustique couple
Qui se donne des baisers peints ;
Le pasteur porte une jaquette
Rouge, et la bergère a des bas
Jaunes ; le gars tout bas caquette,
La fille jacasse tout bas.
C'est si vit, qu'on croit les entendre.
Et pour un peu vous craindriez
Qu'un vieux jaloux ne vînt surprendre
Leurs rendez-vous coloriés ;
Et quand l'hôte de sa main rude
Les reporte au bahut ; on suit
D'un regard plein d'inquiétude
Leur silhouette qui s'enfuit.
A leur destin l'on s'intéresse,
On a peur. On tremble pour eux
Que l'hôte dans sa maladresse
Ne casse leur bonheur en deux,
Qu'un heurt, une chute soudaine,
Ne mette en morceaux leurs amours,
Et, divisant la porcelaine,
Ne les sépare pour toujours.
Assiettes peintes, le Parnasse contemporain III, Paul Marrot