Analyse-Livres & Culture pour tous
22 Septembre 2011
Dans Jacques le Fataliste de Diderot, le narrateur lui-même, entre dans le récit, ce qui donne à l'ensemble une originalité merveilleuse. Mais que vient faire le narrateur dans ces récits interrompus, à part perturber un peu plus le déséquilibre du livre perpétuellement en hiatus ?
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Il vous est proposé une étude consacrée à l'entrecroisement des récits dans l'analyse de deux œuvres : Jacques le Fataliste de Diderot et Malone meurt de Beckett :
Jacques le Fataliste :
Malone meurt
Il a été indiqué précédemment que les perturbations du récit entraient finalement dans un projet précis de l'auteur, celui nous permettant de considérer que le chaos de la vie inspire à l'homme l'idée que soit la nécessité préside à l'existence humaine, soit la liberté.
Jacques tend vers la nécessité tandis que son maître penche vers...le libre arbitre.
Or ces interruptions extérieures ne sont pas les seules à pulluler dans ce livre. Le narrateur lui-même, entre dans le récit, ce qui donne à l'ensemble une originalité merveilleuse.
Mais que vient faire le narrateur dans ces récits interrompus, à part perturber un peu plus le déséquilibre du livre perpétuellement en hiatus?
Il faut dire qu'il s'en donne à cœur joie. Il n'hésite pas à morigéner le lecteur « qu'est-ce que cela vous fait ? » (page 670), à le prendre à parti en l'interpelant au fil de la lecture :
« Vous allez dire que je m'amuse, et que ne sachant plus que faire de mes deux voyageurs, je me jette dans l'allégorie, la ressource ordinaire des esprits stériles. « (page 685).
Il va plus loin lorsqu'il raille le lecteur :
« Lecteur, à vous parler franchement, je trouve que le plus méchant de nous deux, ce n'est pas moi. Que je serais satisfait s'il m'était aussi facile de me garantir de vos noirceurs qu'à vous de l'ennui ou du danger de mon ouvrage ! Vilains hypocrites, laissez-moi en repos. Aimez comme des ânes débâtés, mais permettez que je dise J'aime, nous aimons, vous aimez, ils aiment ; je vous passe l'action, passez-moi le mot. » (page 835)
Mais pire, le narrateur convient de prendre des arrangements avec le récit sur la plan de la cohérence, de la précision des détails, voire même de la fin du récit. Il nous laisse en effet le soin de clore l'histoire de trois manières, proposant une sorte de conclusion à la carte. : « Et moi, je m'arrête ( …) reprenez son récit où il l'a laissé et continuez-le à votre fantaisie... » (page 882)
Quittons là le 18e siècle, pour une avancée dans le 20e siècle, avec Beckett qui nous livre dans son roman, Malone meurt, une autre vision de l'entrelacement des récits.
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