Analyse-Livres & Culture pour tous
15 Juillet 2013
Repères : tour de l'Angleterre : le Surrey
Résumé : dans le Surrey, est une magnifique demeure du 18ème siècle dotée d'une collection impressionnante de toiles de maîtres. Un tableau particulièrement est mis en valeur, c'est le portrait de Lady Catherine Johnston, aïeule de la famille, peinte par Gainsborough. Les deux enfants du Lord Johnston jouent un après-midi d'hiver de 1920 dans la grande Galerie, véritable pinacothèque, sous l’œil plein de dignité de l'ancêtre. Le cadet qui se blesse voit avec un vrai plaisir son frère aîné puni. La rivalité des deux frères ne cessera plus...
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L'attention, la sévérité et la rigueur des parents se portèrent exclusivement sur l'aîné. Il fut ainsi rapidement établi de manière intelligible pour les deux garçonnets que ce traitement distinctif avait sa raison d'être. L'enfant concerné en fut instruit doctement à chaque occasion utile et, le plus souvent, de manière solennelle devant l'aïeule qui -décidément- régissait sa vie. Il la détesta davantage. Le cadet écoutait, sans en perdre une miette, le plus souvent l’œil collé à la serrure lorsque Charles était convoqué dans le bureau paternel pour recevoir un châtiment corporel. Qui aime bien châtie bien lui disait-on à cette occasion. Son éducation s'annonçait ainsi sans faiblesse car, en sa qualité d'aîné, on considérait qu'il avait vocation à avoir un destin hors du commun : il était appelé à hériter du titre nobiliaire et de l'immense patrimoine de la famille. Cet avantage consenti selon l'ordre de primogéniture, permettant ainsi la préservation de la fortune familiale, justifiait bien des amendements les plus complets sur le plan du caractère. Il fallait que l'enfant en fût rendu digne.
C'est ainsi que -très tôt- Charles fut placé au centre de toutes les préoccupations paternelles. Trop du point de vue des deux garçons, pour une fois d'accord, mais pas pour les mêmes raisons. L'aîné aurait aimé dessiner de tout son soûl : le tracé et la couleur constituaient sa seule passion malheureusement vue d'un très mauvais œil par ses éducateurs ; le turbulent cadet, quant à lui, cherchait en vain à capter l'attention de ses parents. Seule sa mère, vaguement artiste, accordait au dernier le privilège de rares baisers et de caresses dispensées exclusivement à ses heures perdues. Une authentique Lady se doit d'abord aux obligations liées à son rang.
Ce statut de privilégié n'avait pour l'heure qu'un seul avantage dans l'univers de l'enfance, celui d'en imposer à son frère, de lui clouer le bec.Et Charles ne se privait pas de le rappeler à son cadet pour remporter la mise finale dans leurs jeux encore innocents.
Quelques années plus tard, Charles et Thomas furent reçus dans les meilleurs établissements scolaires. Sandhurst, l'académie militaire, pour le premier qui dut prendre sur lui pour s'adapter à ces mœurs viriles et Cambridge, pour le second. Loin d'être satisfaits de leur sort respectif, ils ressentirent durablement une énorme frustration. La jalousie réciproque les tenait durablement. Aimant l'aventure, le cadet se considéra naturellement comme l'éternel lésé tandis que son frère qui goûtait davantage les humanités regrettait amèrement de ne pas pouvoir s'exprimer dans cette voie. Charles bénéficia néanmoins d'une chance incroyable. Ses parents décidèrent de lui louer un appartement à Londres pour parfaire son éducation -cette fois- mondaine. Il saisit à deux mains l'opportunité de vivre loin de Johnston Park. Le jeune homme conçut rapidement les avantages qu'il pouvait en escompter. Il les mit naturellement en œuvre : il sortait au théâtre, buvait en bonne compagnie. Il se choisit une société exclusivement d'hommes, d'intellectuels tournés vers le Beau. Maître de lui-même, il décida de se consacrer à ce qu'il aimait le plus : l'ami des arts se mit à peindre de toute son âme et se perfectionna remarquablement. Il passa même pour un habile copiste. En être avide de parfaire son éducation artistique, Charles dévora les ouvrages de référence consacrés à la peinture : son siècle de prédilection devint rapidement le XVIIIème siècle. Il s'intéressa dans ces conditions à l'œuvre de Gainsborough qu'il aimait à copier pour travailler la finesse du trait.
Il apprivoisa le maître anglais et son œuvre. Il vit dans ce peintre un génie authentique. Il lui pardonna de bon cœur d'avoir peint Lady Catherine Johnston. Il l'oublia même au profit d'œuvres plus intéressantes.
Durant une année, il mena une double vie. Un air de bohème soufflait sur sa destinée. S'affranchissant des convenances sociales, il n'envisagea nullement de se marier, l'idée lui faisant même horreur. Il s'était trouvé, il était heureux...
Mais vint ensuite la période de grands dangers.
Repères à suivre : Johnston park (3)