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Analyse-Livres & Culture pour tous

Gazette littéraire

Les dettes d'un auteur auprès de son libraire

Les dettes d'un auteur auprès de son libraire
 

  Les dettes de Rimbaud auprès de son libraire
repères : thème de la diffusion : présentation

Embarras financier du poète

Il a été indiqué dans l'article précédent, les difficultés de trésorerie d'un libraire, voyons aujourd'hui à l'inverse, la gêne financière rencontrée par Rimbaud ainsi qu'il l'exprime dans le courrier à son professeur et ami, Georges Izambard.

 

On assiste alors à des savants calculs du poète pour éponger sa dette moyennant la vente de livres en sa possession et en celle de son ami.

***

"Charleville, 12 juillet 1871.


Cher Monsieur,

Vous prenez des bains de mer, vous avez été en bateau... Les boyards, c’est loin, vous n’en] voulez plus [je vous jalouse, moi qui étouffe ici!.

Puis, je m’embête ineffablement et je ne puis vraiment rien porter sur le papier.

Je veux pourtant vous demander quelque chose : une dette énorme, — chez un libraire, — est venue fondre sur moi, qui n’ai pas le moindre rond de colonne en poche. Il faut revendre des livres. Or vous devez vous rappeler qu’en septembre 1870, étant venu, — pour moi, — tenter d’avachir un cœur de mère endurci, vous emportâtes, sur mon conseil, plusieurs volumes, cinq ou six, qu’en août, à votre intention, j’avais apportés chez vous.

Eh bien ! tenez-vous à Florise, de Banville, aux Exilés, du même ? Moi qui ai besoin de rétrocéder des bouquins à mon libraire, je serais bien content de ravoir ces deux volumes : j’ai d’autres Banville chez moi ; joints aux vôtres, ils composeraient une collection, et les collections s’acceptent bien mieux que des volumes isolés.

N’avez-vous pas Les Couleuvres ? Je placerais cela comme du neuf ! — Tenez-vous aux Nuits persanes ? un titre qui peut affrioler, même parmi des bouquins d’occasion. Tenez-vous, à ce volume de Pontmartin ? Il existe des littérateurs par ici qui rachèteraient cette prose. — Tenez-vous aux Glaneuses ? Les collégiens d’Ardennes ; pourraient débourser trois francs pour bricoler dans ces azurs-là. Je saurais démontrer à mon crocodile que l’achat d’une telle collection donnerait de portenteux bénéfices. Je ferais rutiler les titres inaperçus. Je réponds de me découvrir une audace avachissante dans ce brocantage.

Si vous saviez quelle position ma mère peut et veut me faire avec ma dette de 35 fr. 25 c., vous n’hésiteriez pas à m’abandonner ces bouquins ! Vous m’enverriez ce ballot chez M. Deverrière, 95, sous les Allées, lequel est prévenu de la chose et l’attend ! Je vous rembouserais le prix du transport, et je vous serais superbondé de gratitude !

Si vous avez des imprimés inconvenants dans une bibliothèque de professeur et que vous vous en aperceviez, ne vous gênez pas. Mais, vite, je vous en prie, on me presse !

Cordialement et bien merci d’avance.

A. Rimbaud.


P.S. — J’ai vu, en une lettre de vous à M. Deverrière, que vous étiez inquiet au sujet de vos caisses de livres. Il vous les fera parvenir dès qu’il aura reçu vos instructions.

[Je] vous serre la main.

A.R."


Lettre de Rimbaud à Georges Izambard,

http://fr.wikisource.org/wiki/Lettre_de_Rimbaud_%C3%A0_Georges_Izambard_-_12_juillet_1871

 

repères à suivre : la responsabilité pénale de l'éditeur et de l'auteur

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