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Analyse-Livres & Auteurs-Culture

Les armes de destruction (Barbusse)

Les gaz asphyxiants

(repères : thème de la guerre : présentation)

Dans l'article précédent, il a été évoqué une scène de bataille tragique sous la plume de Schiller, voyons aujourd'hui une autre scène de guerre qui se situe dans les tranchées de la Première Guerre Mondiale.

L’extrait proposé met en scène l'utilisation d'armes non conventionnelles, termes usités pour nommer des armes qui sont biologiques, chimiques, nucléaires, radioactives.

 

Henri Barbusse, lui-même combattant sur le front, narre la survenance des gaz asphyxiants qui ont été utilisés pour la première fois sur le théâtre des opérations

***

"Dans une odeur de soufre, de poudre noire, d’étoffes brûlées, de terre calcinée, qui rôde en nappes sur la campagne, toute la ménagerie donne, déchaînée. Meuglements, rugissements, grondements farouches et étranges, miaulements de chat qui vous déchirent férocement les oreilles et vous fouillent le ventre, ou bien le long hululement pénétrant qu’exhale la sirène d’un bateau en détresse sur la mer. Parfois même des espèces d’exclamations se croisent dans les airs, auxquelles des changements bizarres de ton communiquent comme un accent humain. La campagne, par places, se lève et retombe ; elle figure devant nous, d’un bout de l’horizon à l’autre, une extraordinaire tempête de choses.

Et les très grosses pièces, au loin, au loin, propagent des grondements très effacés et étouffés, mais dont on sent la force au déplacement de l’air qu’ils vous tapent dans l’oreille.

Voici fuser et se balancer sur la zone bombardée un lourd paquet d’ouate verte qui se délaie en tous sens. Cette touche de couleur nettement disparate dans le tableau attire l’attention, et toutes nos faces de prisonniers encagés se tournent vers le hideux éclatement.

C’est des gaz asphyxiants, probable. Préparons nos sacs à figure !

Les cochons !

Ça, c’est vraiment des moyens déloyaux, dit Farfadet.

 – Des quoi ? dit Barque, goguenard.

Ben oui, des moyens pas propres, quoi, des gaz…

Tu m’fais marrer, riposte Barque, avec tes moyens déloyaux et tes moyens loyaux… Quand on a vu des hommes défoncés, sciés en deux, ou séparés du haut en bas, fendus en gerbes, par l’obus ordinaire, des ventres sortis jusqu’au fond et éparpillés comme à la fourche, des crânes rentrés tout entiers dans l’poumon comme a coup de masse, ou, à la place de la tête, un p’tit cou d’où une confiture de groseille de cervelle tombe, tout autour, sur la poitrine et le dos. Quand on l’a vu et qu’on vient dire : « Ça, c’est des moyens propres, parlez-moi d’ça ! »

N’empêche que l’obus, c’est permis, c’est accepté…

Ah là là ! Veux-tu que j’te dise ? Eh bien, tu m’f’ras jamais tant pleurer que tu m’fais rire !

Et il tourne le dos."

 

Le feu, Henri Barbusse, chapitre 19 :  le bombardement

http://fr.wikisource.org/wiki/Le_Feu/19

 

Repères à suivre : la présentation : l'arrière du front

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