Analyse-Livres & Culture pour tous
11 Avril 2014
Dans l’article précédent, nous avons mis en évidence l’exaltation du poète à l’évocation du nom, Industrie. Tempérons cette ardeur avec un autre poète de la première moitié du XIXème siècle, Frédéric Monneron, suisse, qui a créé pour nous le personnage de Robert le Mineur.
Le poète n’élude rien des misères d’un mineur, de son labeur harassant dans une atmosphère confinée, « nuit souterraine ». Les oppositions entre la vie dans la plaine et en sous-sol sont légions. La destinée des uns n’est rien comparée à ceux des autres. Le poète suisse n’oublie dans la chute du poème de nous rappeler les dangers du métier. Découvrez maintenant Robert le Mineur et sa tragique destinée, d’amant éconduit…
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Creusez, jeune ouvrier... Dans la nuit souterraine
Le vent du ciel apporte un parfum de printemps.
L’air est bleu, l’air est frais, remontez vers la plaine ;
Là, peut-être l’amour vous pleure dés longtemps.
« Bientôt je reverrai la blonde Eléonore, »
Se disait le pâle Robert ;
Et dans ce vague espoir, il creuse, il creuse encore ;
La roche éclate sous son fer.
Dans ce vivant cercueil son œil noir étincelle,
Comme s’il devinait les cieux ;
Puis, s’essuyant le front, il dit : « Elle est trop belle ; »
Et des pleurs voilent ses grands yeux.
Pleurez, jeune ouvrier. Dans la nuit souterraine
Le vent du ciel apporte un parfum de printemps ;
L’air est bleu, l’air est frais ; mais, hélas ! dans la plaine
Les premières amours ne durent pas longtemps !
Pour un nouvel hymen, l’airain dans la chapelle
Chante son hymne aérien :
La blonde Eléonore aurait été fidèle ;
Mais un comte a reçu sa main.
La foule qui s’empresse à l’église s’étonne
De voir pâlir un front si beau
Sous les fleurs de l’hymen, comme si la couronne
Eût mieux fleuri dans le tombeau.
Creusez, jeune ouvrier. Dans la nuit souterraine
Le vent du ciel apporte un parfum de printemps ;
L’air est bleu, l’air est frais ; mais oubliez la plaine :
Les premières amours n’y durent pas longtemps.
Un soir, rêveuse et pâle, Eléonore assise
Berçait le fruit de son amour.
Et le comte lui dit : « Permettez que je lise
» La seule aventure du jour :
» Dans la mine prochaine, aujourd’hui l'on publie
» Qu’un roc a croulé par malheur.
» Mais l’on m’a rassuré. Nul n’a perdu la vie,
» Excepté Robert le Mineur. »
Dors bien, jeune ouvrier... Dans la nuit souterraine
L’avenir te prépare un éternel printemps.
Adieu, l’air est encor frais et bleu dans la plaine ;
Mais les anges du ciel t’aimeront plus longtemps.
Poésies, Monneron, œuvre posthume (1852)
http://fr.wikisource.org/wiki/Robert_le_Mineur
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