Analyse-Livres & Culture pour tous
14 Juillet 2010
Le tour de France littéraire fait une halte à Cauterêts dans les Pyrénées, haut lieux du thermalisme à son apogée au XIXe siècle et qui a accueilli la famille Bonaparte, mais aussi des écrivains de premier plan : George Sand, Chateaubriand et Victor Hugo.
Repères: Tour de France : Victor Hugo et les Pyrénées
Dans l'article précédent, nous avons fait une étape dans le pays basque avec le naturaliste Quatrefages, arrêtons-nous dans les Pyrénées pour une marche bien méritée. Allons à la découverte d'une nature préservée : Cauterêts.
Un écrivain célèbre, natif de la Franche-Comté, aimait lui-aussi cette région devenue à la mode dès la Révolution de Juillet 1830, avec le début du thermalisme. Autour des thermes, on crée des infrastructures touristiques, grands hôtels, casino. On y mène grand train entre bals et ballades dans la montagne. Le succès est au rendez-vous, on s'y presse notamment le Gotha européen dont la famille Bonaparte. La reine Hortense de Hollande y vient ainsi en 1807.
On verra les années suivantes des écrivains célèbres venir à Cauterêts, George Sand, Chateaubriand, Heinrich Heine et Victor Hugo.
Victor Hugo est venu à Cauterêt en 1843 pour soigner ses rhumatismes et ses problèmes visuels. Il part avec sa maîtresse Juliette Drouet ; le couple voyagent incognito. Le poète se promène. Il emporte avec lui un carnet* pour des croquis, des notes, des impressions, mais dans lequel il colle aussi des fleurs. C'est une époque fructueuse pour le poète. Cette parenthèse se trouve fermée par l'annonce de la mort accidentelle de sa fille Léopoldine en septembre 1843.
Lisons aujourd'hui ce que Victor Hugo a écrit lorsqu'il était à Cauterêt.
"Nous marchons; il a plu toute la nuit; le vent
Pleure dans les sapins; pas de soleil levant;
Tout frissonne; le ciel, de teinte grise et mate,
Nous verse tristement un jour de casemate.
Tout à coup, au détour du sentier recourbé,
Apparaît un nuage entre deux monts tombé.
Il est dans le vallon comme en un vase énorme,
C'est un mur de brouillard, sans couleur et sans forme.
Rien au delà. Tout cesse. On n'entend aucun son;
On voit le dernier arbre et le dernier buisson.
La brume, chaos morne, impénétrable et vide,
Où flotte affreusement une lueur livide,
Emplit l'angle hideux du ravin de granit.
On croirait que c'est là que le monde finit
Et que va commencer la nuée éternelle.
Borne où l'âme et l'oiseau sentent faiblir leur aile,
Abîme où le penseur se penche avec effroi,
Puits de l'ombre infinie, oh! disais-je, est-ce toi ?
Alors je m'enfonçai dans ma pensée obscure,
Laissant mes compagnons errer à l'aventure."
Pyrénées, 28 août.
Toute la Lyre, recueil posthume 1893, II, VI nous marchons, Victor Hugo
Wikisource : http://fr.wikisource.org/wiki/Toute_la_lyre/II#VI_Nous_marchons.3B
note : Carnet de Victor Hugo, Gallica
*https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b100843282/f26.image
repère à suivre : Daudet et la Provence