17 Janvier 2014
Repères : thèmes des mythes : présentation
Il a été mis en évidence dans l’article précédent la version française de Molière dans laquelle Dom Juan revendique pleinement sa propre inconstance vis-à-vis des femmes. Voyons la version allemande du même mythe au travers d’une œuvre de Hoffmann.
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L’intérêt du texte consiste à adosser le plaisir à la volonté hégémonique du séducteur. C’est la jouissance physique qui est recherchée par Don Juan : on sent toute la recherche sensuelle et dévorante du personnage au travers du champ lexical de l’ivresse. En revanche, cette quête dépasse le simple assouvissement charnel, on sent toute la volonté de domination à l’endroit des créatures humaines. On trouve véritablement dans ce personnage une lutte intérieure.
L’orgueil de Don Juan est pointé par Hoffmann et le mène à la recherche du véritable adversaire du héros, « l’arbitre suprême des destinées », sublime métaphore qui conduit l’homme à la totale impiété et au sacrilège…l’enfer n’est pas loin !
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" Sans cesse sacrifiant une belle femme à une autre plus belle, épuisant la coupe du plaisir jusqu’à satiété, poursuivant dans l’ivresse de la volupté le désenchantement de ses sympathies successives, toujours croyant s’être trompé dans son choix, et espérant toujours découvrir quelque part la source idéale de cette félicité entrevue en rêve, comment Don Juan n’eût-il pas à la fin trouvé la vie terrestre plate et insipide ! Mais comme il méprisait souverainement les hommes, ce fut contre la créature qu’il avait comblée de sa prédilection que se révoltèrent toutes les puissances de son âme si amèrement déçue.
Dés-lors Don Juan ne vit plus pour but dans la possession de la femme l’assouvissement de sa sensualité, mais une audacieuse ironie contre la nature et le Créateur. Sa rébellion, je le répète, fut dirigée surtout contre les femmes, par suite de son profond dédain pour les triviales tendances de cette vie, auxquelles il se sentait supérieur, et par amère dérision pour les hommes qui prétendaient obtenir d’un amour heureux et de l’union bourgeoise dont il est le précurseur, la satisfaction, même incomplète, des désirs plus vastes que la nature a déposés pour leur malheur au fond de leur sein. Il résolut donc de braver hardiment, en ennemi déclaré, cet être inconnu, l’arbitre suprême des destinées, dans lequel il ne vit plus qu’un monstre avide de nos souffrances et se faisant un jeu cruel de décevoir et de confondre les êtres pitoyables créés par lui dans un accès d’humeur moqueuse. — Dans la séduction d’une épouse adorée, dans la perturbation violente d’un amour partagé, Don Juan ne vit plus désormais qu’autant de victoires remportées sur ce génie pervers et jaloux, et qui l’élevaient toujours davantage au-dessus de sa misérable condition, en dépit de la nature et de Dieu lui-même ! Aussi n’aspire-t-il que de plus en plus à sortir de cette vie, mais il n’a plus que l’enfer en perspective. — La séduction d’Anna avec les circonstances qui l’accompagnent est le point culminant de la route fatale où Don Juan se fait gloire d’avancer. —"
Don Juan, Hoffmann http://fr.wikisource.org/wiki/Don_Juan_%28Hoffmann%29
Repères à suivre : thème de l’inconstance de Don Juan chez Byron (3)