19 Décembre 2010
Lisons avec curiosité et une pointe d'effarement les vers "gourmands" de Raoul Ponchon qui est un écrivain du début du XXe siècle et amateur de bonne chère devant l'Éternel.
repères : thème de la fête : présentation
Dans l'article précédent, nous avons évoqué la distribution de cadeaux, abordons le côté récréatif de la fête avec un de ses éléments gustatifs...
La fête peut revêtir aussi la forme des plaisirs de la table.
Pour certains, il s'agit d'un repas amélioré, pour d'autres, la célébration des fêtes rime avec ripaille, bombance.
Lisez avec curiosité et une pointe d'effarement les vers "gourmands" de Raoul Ponchon qui est un écrivain du début du XXe siècle, amateur de bonne chère devant l'Éternel.
Le poète se dédie ce poème tout autant qu'il se prend à partie.
Le cœur au bord des lèvres ? un peu...
À Raoul Ponchon.
Au diable la poésie,
Mon ami Ponchon,
Mangeons avec frénésie
Du rose cochon.
Est-ce que Noël, poète,
Ô fleur des couyons,
N’est pas la plus belle fête,
Dis ? que nous ayons ?
En se montrant sur la paille
Tel un fin jambon,
Jésus dit : « Faites ripaille,
Le moment est bon.
Seigneurs ou pauvre canaille,
En ce jour divin
Mangez de la cochonnaille
Et buvez du vin :
Le vin réchauffe et l’eau mouille. »
Il dit, et soudain
Des kilomètres d’andouille
Et de noir boudin
— Ainsi fait la folle vigne —
Fleurissent partout.
O spectacle vraiment digne,
Consolant surtout !
Du salon jusqu’à l’office,
En chaque maison
Ce n’est que de la saucisse
Et du saucisson.(...)
Par la papale fressure !
Avec — (ça c’est beau !)
Du cochon, je vous assure,
Certains font du veau.
À cette époque de joie
Que nous célébrons,
On voit d’elle-même l’oie
Chier des marrons.
La dinde, sombre tartuffe
Ordinairement,
Court au-devant de la truffe
— Fer de cet aimant ! —
Montent l’escalier,
Ivres de rincer nos gueules
Et notre gosier.
Les rouges rôtisseries
Flambent ; le mois d’août
N’a pas plus de pierreries.
C’est beau comme tout.
Les huîtres — moules du riche —
Jusqu’à cette nuit
Dans le sein de la bourriche
Ont bâillé d’ennui.
Huîtres, ne pleurez pas, folles
Que vous êtes, car
Vous ferez des cabrioles
Ce soir, sur le tard !
De la cave à la cuisine
Je vois tout en l’air,
Les jambes de ma cousine
Tout d’abord, c’est clair.
Ah! s’il ne faut que bien boire
Et que bien manger
Pour complaire au dieu de gloire,
Je vais y songer.
Pour l’instant je n’ai pas — diable !
Le moindre appétit,
Mais l’appétit vient à table
Petit à petit.
Je veux que ce soir ma bouche
Fatigue ma main.
À Noël je ne me couche
Que le lendemain.
La Muse Gaillarde, Raoul Ponchon (1848-1937)
http://fr.wikisource.org/wiki/Vers_de_No%C3%ABl
repère à suivre : l'heure des supputations (Jammes)