18 Décembre 2010
L'heure de la distribution des cadeaux, sous la plume de Dostoïevski, c'est aussi le moment de montrer que l'offrande de cadeaux répond aussi à des codes sociaux bien précis.
repères : thème de la fête : présentation
Dans l'article précédent, nous avons vu la joie devant la surprise de Noël, découvrons aujourd'hui le moment de l'ouverture des cadeaux.
L'heure de la distribution des cadeaux est un moment de réjouissance pour les petits ou pour les plus grands (!) qui voient leur curiosité satisfaite.
Sous la plume de Dostoïevski, c'est aussi le moment de montrer que l'offrande de cadeaux répond aussi à des codes sociaux bien précis. L'injustice de traitement n'est pas loin...
" Les enfants qui semblaient n’attacher aucune importance aux recommandations de leurs gouvernantes, ne voulaient certes en rien ressembler aux grandes personnes. Ils me parurent être très gentils ; en quelques minutes, à peine, ils dépouillèrent tout l’arbre de ses bonbons et de ses friandises. Puis ils s’employèrent activement à démolir les jouets, avant même d’apprendre à qui chacun de ceux-ci était destiné.
Un petit garçon aux cheveux bouclés et aux yeux noirs me parut particulièrement agréable : décidé à tout prix à me tuer avec son fusil de bois, il me poursuivit jusqu’à ma cachette. (...)
Plus tard, je ne pus qu’admirer la sagesse des hôtes en ce qui concerne la distribution des cadeaux aux enfants. La fillette qui, déjà, avait trois cent mille roubles de dot, reçut la plus belle poupée de la collection et ainsi de suite : la valeur du jouet diminuant en proportion de la moindre importance pécuniaire des parents. Enfin le dernier des heureux fut un petit gamin de dix ans, maigre, roussâtre, la figure couverte de taches de son : il reçut un petit livre de rien du tout, dont le texte parlait de la grandeur de la nature, de larmes, de tendresse, etc., et qui ne renfermait pas même la moindre image.
Je ne fus pas long à apprendre que le petit était fils de l’institutrice des enfants de mon hôte, pauvre veuve qui n’avait que ce garçonnet craintif et hébété.
Il était vêtu d’une malheureuse petite blouse de nankin et, quand il eut pris possession de son cadeau, il erra longuement autour des autres jouets ; on voyait son envie de s’amuser avec les autres enfants, mais il n’osait le faire, se rendant sans doute compte de sa situation inférieure.
J’aime beaucoup observer les enfants et je trouve que ce qu’il y a de plus curieux en eux ce sont justement ces premières manifestations de leur vie indépendante. Je remarquai donc que le petit garçon roussâtre, enthousiasmé par la vue des jouets destinés aux autres enfants et particulièrement par le théâtre où il voulait peut-être jouer un rôle, était parfaitement décidé à accomplir quelques petites platitudes. Souriant, interpellant les autres enfants, il donna sa pomme à un petit gros qui portait déjà un mouchoir rempli de friandises. Plus tard il ne se refusa même pas de servir de monture à l’un de ses camarades à seule fin de ne pas se voir éloigné du théâtre. Mais malgré toutes ces concessions, il reçut bientôt une tripotée d’un garçon plus grand que lui. Cependant n’osant point pleurer, car sa mère, l’institutrice, arrivait et lui ordonnait de ne pas empêcher les enfants de jouer. Après une longue pose vers la porte, il rejoignit la petite fille qui, très bonne sans doute, ne le chassa point et tous deux s’appliquèrent activement à vêtir la belle poupée. »
L’Arbre de Noël et le Mariage, Dostoïevski, Traduction Georges d'Ostoya
http://fr.wikisource.org/wiki/L%E2%80%99Arbre_de_No%C3%ABl_et_le_Mariage
repère à suivre : le temps de faire bombance (Ponchon)