28 Mai 2012
Repères : thème de la fratrie : le feuilleton : les déshéritées
Résumé : Raymond Cordier, retraité, vient d'être admis à l'hôpital à la suite d'un accident de la circulation. Sa femme, Annette prévenue par la gendarmerie arrive à son chevet. Elle pense à ses jumelles de vingt-sept ans qu'elle doit prévenir. Ces dernières donnent malheureusement l'impression de s'éloigner de leurs parents. Elles semblent si insaisissables. Mais ce malaise n'a rien de véritablement de nouveau...
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Une situation révoltante
En 1990, à l'orphelinat de Popricani, en Moldavie roumaine, le spectacle de ces enfants en haillons sous-alimentés avait fait le tour du monde : la stupeur le disputait à la colère. Comment le régime de Nicolae Ceausescu avait-il mis en œuvre cette politique d'abandon d'enfants à des fins idéologiques ? La réponse faisait frémir : pour repeupler le pays tout en brisant la cellule familiale.
Comme tous les Européens, les époux Cordier furent bouleversés par cette vision d'êtres fantomatiques. Mais ils se sentaient plus concernés que d'autres du fait de l'absence douloureuse d'enfant à leur foyer. La stérilité d'Annette longtemps combattue les avait conduit enfin à recourir à la solution de l'adoption. Possédant leur agrément, ils avaient pensé se tourner vers les pays d'Amérique du sud. Mais ils se sentirent immédiatement appelés à tourner leur regards vers ces orphelins de l'Est, ces oubliés du régime communiste où la folie d'un dictateur avait brisé bien des vies. Ils en étaient convaincus, leur foyer était suffisamment solide pour affronter toute la misère du monde ; ce désir d'enfant inassouvi par des années de frustration et de déception accroissait leur volonté de réparer l'infortune de ces orphelins. Raymond et Annette effectuèrent ainsi des démarches en Roumanie pour entreprendre ce qui devint leur vœu le plus cher : adopter un ou des jumeaux moldaves.
Des jumelles animées d'une vitalité exceptionnelle
Ils virent Ramona et sa jumelle Dana, âgées de sept ans dans un état d'abandon lamentable, mais animées d'une soif de vivre peu commune. Elles étaient connues dans l'établissement pour être les reines du chapardage ; indépendantes, elle menaient leur vie à leur guise. Les deux sœurs ne communiquaient pas avec le reste de l'Institution qu'elles ignoraient superbement ; rebelles, elles demeuraient dans leur monde, rivées l'une à l'autre. Un duo redoutable du point de vue de l'orphelinat qui ne voyait pas comment se débarrasser de ces sauvageonnes.
Or, le couple Cordier fondit précisément devant le spectacle de ces deux êtres déshérités, perdus au sens des autorités. Ils virent au contraire deux enfants unis par un même destin, celui de survivre. Les observant finement, Annette distingua celle qui faisait office de meneuse. Tout en jouant, cette dernière donnait des ordres à sa sœur qui s'exécutait sans discuter. La vision de ces étrangers n'eut pas l'air de les troubler. Elles se partageaient les barres de chocolat et autres douceurs, cadeaux que les Cordier avaient apportés. Leur solidarité faisait plaisir à voir alors que d'autres orphelins, mornes, semblaient si perdus...Une évidence s'imposa à Raymond et Annette Cordier. Par une forme d'élection qui se fit jour, ils se virent parents de ces deux fillettes. La procédure d'agrément leur permettait d'envisager cette solution. Ils se lancèrent alors dans ce projet un peu fou du point de vue de leur entourage immédiat. Dans quoi s'embarquaient-ils ? Ces enfants abandonnés et livrés à eux-mêmes ne leur poseraient que des problèmes. Adopter, ce n'est pas sans risque ! Sûrs d'eux, Raymond et Annette ne les écoutèrent pas.
Le pari d'une adoption
C'est ainsi que Ramona devint Marie et Dana, Manon. Annette se fit compréhensive avec ses deux petites filles avec lesquelles elle devait tout reprendre depuis le début. L'entreprise fut loin d'être une félicité dans les premiers temps. La communication même la plus simple n'était pas aisée. Les jumelles regardaient tous ces changements avec curiosité, mais sans émotion. Puis au fil des mois, elles semblèrent se plier aux nouvelles habitudes de vie. Intelligentes et vives, elles apprirent rapidement le français et les us et coutume de leur pays d'adoption. Elles surent s'adapter mais pas à tout ; ainsi Manon ne supportait pas la vue des chevaux du Haras de Beaumont dont elle avait une peur irrépressible, alors que Marie n'aima pas notamment les marques d'affection de ses parents ; les baisers lui parurent toujours incongrus. Dès lors, pour ne pas causer d'embarras, on ne s'embrassait pas chez les Cordier sauf avec Manon qui, en cachette de sœur, acceptait de se blottir tendrement dans les bras de son père.
Repères à suivre : le feuilleton : les déshéritées : 4ème partie