Analyse-Livres & Culture pour tous
27 Septembre 2013
Dans les deux scènes précédentes, il a été question d’une violente dispute entre une mère et son petit garçon au sujet d’un problème de mathématiques. La réaction disproportionnée conduit la mère à consulter son médecin traitant. Ce dernier comprend rapidement que cette dernière souffre de névrose et la renvoie chez un psychothérapeute. Il est néanmoins interloqué par les propos de sa patiente.
Scène 3 : monologue du Dr Le Poivre
(Le généraliste seul, dans son cabinet)
Docteur Le Poivre
"Elle est bien bonne celle-là ! Le « mal » des maths ! En quarante-cinq ans d’exercice, j’en ai vu des cas, mais c’est la première maladie de cet ordre ! (il rit). Impayable, cette Madame Rouget ! Que c’est dur parfois de garder son sérieux ! Drôle de pathologie ! A ce jeu-là, combien de malades qui s’ignorent ? Des millions, rien qu’en France. Tous les littéraires, hop ! On les rappelle d’urgence pour les examiner. Ce n’est pas compliqué, tous ceux qui ont eu un bac autrefois A maintenant L. On leur fait passer un petit test.
Tiens, une femme se présente, cela ne m’étonne qu’à moitié ! La logique et les femmes, cela fait deux ! Je sais bien que je suis de la vieille école. Mais il reste bien un fond de vérité. Allez, ma bonne dame, écrivez 1845/1000 sous forme de nombre décimal. On l’observe, on lui demande comment vous sentez-vous ? Avez-vous mal à un endroit de votre corps. Non, me dîtes-vous et vous connaissez la réponse sans erreur, non mais là, je vous dis bravo ! Les femmes sont meilleures en maths qu’à mon époque !
Alors, on continue : pouvez-vous résoudre l’équation suivante : 4x+ 5 = 3x+ 7. Ça vous dit quelque chose ? Vous dîtes x = 2. Très bien ! Cela ne vous a pas trop contracté ? Non, formidable !
Bon, passons maintenant à autre chose, la trigonométrie. Voyons, soit ABC un triangle rectangle en A tel que BC = 5 et AB = 2.
Calculez cos B et AC.
Mais que se passe-t-il ? Je vous sens tendue, je vous passe le tensiomètre, 160 mm de Hg mais ça ne va pas, c’est trop haut ! Arrêtez tout, on respire, un verre d’eau, on se calme ! Je savais bien, moi, que c’était trop dur pour vous, ma bonne dame ! Je vais vous prescrire des petits cours une fois par semaine pendant trois mois. Puis, vous verrez que cela ira mieux dans quelques temps. Durant ce laps de temps, pas d’équations à deux inconnues intempestives. Juste des sudokus.
Voilà, au suivant, un homme, tiens c’est rare ! Que faites-vous dans la vie ? Avocat ? Cela ne m’étonne pas ! Au tribunal, il faut juste être vicieux pour coincer son adversaire. Or, c’est un fait, les maths sont exclusives de tout vice. C’est de notoriété publique cela ! Quelque chose de plus difficile. Mon bon Monsieur, pouvez-vous s’il vous plaît répondre à cet énoncé :
Représentez sous forme de graphique la fonction définie sur l'intervalle réel [−1 ; 1,5] par l'expression :
Je vous observe et je note que vous transpirez. Oh ! mais vous semblez mal. Oh ! Le voilà qui tombe dans les pommes. Je lui mets les jambes en l’air ! On se réveille, mon bon Monsieur, vous voulez un petit sucre ? Pour vous, l’examen est terminé, tout va bien. Il faut dire que je suis allé un peu fort avec ce test. Je vais vous prescrire une cure de magnésium de deux mois avant de vous proposer un nouveau test, rassurez-vous, plus facile. Ce sera comme une désensibilisation, on va procéder par dose infinitésimale. Les résultats émergeront d’ici une bonne dizaine d’années dans votre cas. Mais ce n’est pas un problème pour vous, vous avez les moyens de payer ?
Non, mais quelle blague, ce "mal des maths" !"
Repères : saynète : Les maths en thérapie