Analyse-Livres & Culture pour tous
23 Septembre 2010
Le journal d'Helène Berre ou la force d'un témoignage qui mêle "le beau et le tragique" (12 juin 1942), maxime qui s'applique aux amitiés et amours nouées et dénouées par les ravages de l'Occupation
(Repères : thème du journal : l'étude)
Après avoir étudié la nature du journal tenu par Jules Renard, découvrons celui d'Hélène Berr : de sa lecture, ressort la force d'un témoignage éclairé.
La comparaison entre les journaux de Jules Renard et d'Hélène Berr peut surprendre a priori.
En effet, à la différence du premier, le second se présente, de prime abord, comme le journal intime d'une jeune fille d'une vingtaine d'années, à la fois étudiante brillante en littérature anglaise à la Sorbonne et musicienne accomplie.
Comme toutes les personnes de son âge, elle s'éveille aux sentiments amoureux, en reportant scrupuleusement ses joies, ses réflexions et ses doutes.
Mais les heures sombres de la collaboration française vont donner à l'ouvrage un intérêt littéraire de tout premier plan.
Le journal débute le 7 avril 1942 par le récit d'un événement qui est loin d'être anecdotique pour la suite de l'ouvrage : la jeune fille vient chercher chez la concierge de Paul Valéry un exemplaire du maître dédicacé à son attention :
« Au réveil, si douce la lumière, et si beau ce bleu vivant ».
Cette phrase reste inscrite dans l'esprit de la jeune fille qui aura à cœur de se rappeler ces doux mots dans des circonstances où elle fait le choix de résister à l'innommable :
« Il fait un temps radieux, très frais après l'orage d'hier. Les oiseaux pépient, un matin comme celui de Paul Valéry. Le premier jour aussi où je vais porter l'étoile jaune. Ce sont les deux aspects de la vie actuelle : la fraîcheur, la beauté, la jeunesse de la vie, incarnée par cette matinée limpide ; la barbarie et le mal, représentés par cette étoile jaune. » (8 juin 1942)
L'originalité de l'œuvre d'Hélène Berr est faite de ce dualisme qu'elle pousse au paroxysme. Le beau est ainsi mêlé au tragique (12 juin 1942), maxime qui s'applique aux amitiés et amours nouées et dénouées par les ravages du temps.
Ce journal comporte aussi un volet intellectuel avec les références faites aux nombreuses lectures qui la nourrissent durant cette période trouble.
Repère à suivre : Le journal d'un écrivain, entre révélations et émotion (8)