Le feuilleton présidentiel : l'investiture de Victor Confiant

Depuis l'élection de Victor Confiant, la parole politique a enfin pris du sens : on ne se perd plus en diatribes stériles dressant les uns contre les autres. On avance ensemble, unis. Tout irait pour le mieux si les investigations policières entreprises sur les lieux de la permanence incendiée du candidat Confiant n'avaient pas révélé la présence d'inscriptions obscures et codées reprises dans des courriers mystérieusement déposés sur le bureau présidentiel...

Repères : thème du pouvoir : le feuilleton

Résumé : La chroniqueuse politique Laure Léry assiste au dernier meeting de campagne de Victor Confiant, candidat resté en lice au second tour de l'élection présidentielle face au candidat d'extrême-droite. La journaliste relit son article qui brosse le parcours politique de cet homme d'influence avant d'écouter son discours enflammé. La France élit Victor Confiant avec 52% des voix aux fonctions de Président de la République. Il n'y a eu qu'un incident malheureux pour ternir ce triomphe électoral : sa permanence de Dordogne a brûlé dans sa totalité. Triste présage !

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Les cérémonies d'investiture ont pris fin ; Victor Confiant a raccompagné son prédécesseur dans la Cour d'honneur de l’Élysée après s'être entretenu de sujets confidentiels concernant notamment la sécurité nucléaire de la France. De l'autre côté de la rue, des Français ont attendu le président sortant avec un panneau portant l'inénarrable mention devenue une tradition : Casse-toi, Pauvre Con ! Un concert de sifflets et des bordées d'injures ont salué le cortège d'automobiles démarrant en trombe. La démocratie ne s'honore pas de cette poussée de haine ! pense le nouveau Président regagnant le vestibule d'honneur en marbre de Carrare.

Il monte l'escalier Murat et parvient au premier étage un peu impressionné. Par déférence, on le laisse seul prendre possession du salon doré. Il apprécie la délicatesse de son équipe. Il a le bonheur aux commissures des lèvres. Il sent surtout le déploiement de son être devant la réalisation d'un rêve, celui d'atteindre la fonction suprême. C'est à ce moment précis qu'il découvre sur le bureau une lettre à son attention, ce qui ne manque pas de l'étonner. Une attention délicate de mon prédécesseur ! s'étonne-t-il. Il ouvre le courrier et son visage se décompose. Le sentiment de paix qu'il a ressenti le quitte définitivement.

Le crédit accordé à l'action politique

Dès le jour même, il se lance à corps perdu dans l'action politique avec une force inouïe. La perte de confiance entre le peuple et ses élites, objet du séisme politique, laisse le champ libre à la constitution d'une nouvelle équipe dirigeante. Il faut reconstituer ex nihilo le capital de confiance totalement entamé en se tournant vers des hommes et des femmes de bonne volonté. Le Parlement renouvelé donne une majorité d'Union Nationale faite de républicains de tous les partis, les extrêmes sont laminés. Le tempérament même de Victor Confiant, pondéré, a aussi redonné des gages de crédibilité auprès des marchés. L'entourage du Président se frotte les mains. L'engouement pour le nouvel élu ne se tarit pas après la période des cent jours. Son influence rayonne de surcroît sur la scène internationale ; on parle de celui qui a réussi à gouverner un "peuple ayant trois cent vingt-cinq variétés de fromages", chose impossible selon le Général de Gaulle. De cette concorde nationale, surgit le temps de l'action faite sans partis-pris et petits calculs.

Un vaste consensus se trouve sur les questions fiscales et sur la solidarité entre les Français. On remet même les écrivains au goût du jour. On en appelle à Chateaubriand : "La trop grande disproportion des conditions et des fortunes a pu se supporter tant qu'elle a été cachée. Mais aussitôt que cette disproportion a été généralement aperçue, le coup mortel a été porté." *  

La parole politique a enfin pris du sens : on ne se perd plus en diatribes stériles dressant les uns contre les autres. On avance ensemble, unis.

Des éléments viennent tempérer le tableau idyllique du nouveau quinquennat. Quelques dossiers n'ont pas été mis en chantier par le Président en dépit de ses promesses électorales. Mais on entend dans la presse l'antienne : il a tellement fait déjà, il a redonné de la force à la parole politique. On est prêts à patienter à l'exception des jeunes qui manifestent bruyamment leur impatience. Le sort de la planète n'attend pas ! 

Sur un autre terrain, tout aussi préoccupant, les investigations policières entreprises sur les lieux de la permanence du candidat Confiant ont révélé la présence d'inscriptions obscures dans un langage manifestement codé. Les équipes de la Sécurité Intérieure sont à l'œuvre. Informé de la situation, le Président exige de connaître le résultat du déchiffrement. Il a manifesté à ce sujet une grande colère, la seule qu'on lui a connue. Pour l'heure les spécialistes semblent totalement déroutés...

Seul, Victor Confiant regarde avec insistance le courrier qui est arrivé sur son bureau : bien que chiffré, il en a pris connaissance et des autres également. Ils commencent tous par T2OW. Le Président semble ailleurs...