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8 Avril 2022
La chroniqueuse Laure Léry, désignée pour couvrir la campagne présidentielle, se remémore l'ascension de Victor Confiant, candidat parfaitement inconnu du grand public, qui propose un gouvernement de coalition avec pour slogan : Vichy, une fois, pas deux ! La soixantaine encore flamboyante, le candidat sans étiquette a mené une carrière parlementaire de premier plan, mais personne ne le connait vraiment...
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Le dernier meeting de campagne
Au Palais Omnisport de Bercy, la fin de la campagne présidentielle approche à la veille du 2e tour. La chroniqueuse Laure Léry du service politique du quotidien La France se tient dans le carré réservé à la Presse. Sa rédaction l'a désignée depuis six mois pour couvrir la campagne d'un candidat parfaitement inconnu du grand public, Victor Confiant. Attendant la prise de parole de l'homme politique, la journaliste met à profit le temps dont elle dispose pour relire le début de son article retraçant le parcours politique de ce personnage hors du commun.
Qui est Victor Confiant ?
La soixantaine encore flamboyante, l'allure follement séductrice avec sa taille élancée, ses cheveux épais légèrement poivre et sel et son regard de braise, Victor Confiant a exercé la fonction de député-maire de Fontaines en Dordogne depuis plus de trente-cinq ans avec la particularité de n'appartenir à aucun parti politique. Un charisme phénoménal ! ajoute-t-elle. Il se présente comme l'enfant du pays, le fils spirituel du redoutable Gaston Bouillon, potentat local, lui-même, sans étiquette, qui l'a lancé en politique en lui offrant son siège de député en 1986, puis les clés de la mairie en 1989. C'est ainsi que l'homme s'est fait élire au Parlement avec la mention Non Inscrit, refusant avec une constance étonnante de s'inféoder au moindre parti.
Cependant son indépendance d'esprit lui a causé bien des tracas et des ennuis, car après le temps de la persuasion et de la cajolerie, on en est venu à le menacer de présenter contre lui des opposants dûment affiliés à droite ou à gauche. On est arrivé enfin à une confrontation féroce aux élections législatives de 1997. Un candidat RPR parachuté par son parti a revendiqué la victoire avant qu'un recours en annulation pour tricherie (première affaire dite des chaussettes bourrées) et un nouveau scrutin ne rende son poste à son titulaire initial. Le personnage a acquis dès lors la stature d'un battant et a obtenu le respect des appareils parisiens.
Victor Confiant a été membre de la prestigieuse Commission des Affaires étrangères où il a joui de la réputation de fin connaisseur de dossiers. Sur le plan international, il se définit comme un pacifiste né, rétif à l'influence atlantiste lorsqu'il s'est opposé à la 1e guerre du Golfe tout autant qu'à l'invasion de la coalition menée par les Américains en Irak ; il a milité pour la paix au Proche Orient, contre l'embargo sur l'Iran et contre les sanctions envers la Russie après l'invasion de l'Ukraine. Il a aussi émis des réserves sur la validité des interventions françaises en Afrique que ce soit en Côte d'Ivoire ou en Libye qu'au Mali. L'homme est excessivement prudent lorsqu'il s'agit du droit d'ingérence dans les affaires d'un pays étranger. Tarte à la crème ! Le soupçon de favoritisme de nos intérêts économiques n'est que trop souvent justifié. La France n'a pas de conseils à dispenser aux autres ! clame-t-il. Un homme sans tabou ! écrit la journaliste.
Sur le plan intérieur, la politique de sa ville en a fait un redoutable gestionnaire tout autant qu'un homme d'ordre avec une police municipale, bien formée, gagnée aux enjeux de la sécurité de proximité : pas de débordements délictueux sinon vite jugulés, sans bavures, une tolérance zéro gagnante. Ingénieux sur le plan économique, il est toujours prêt à négocier âprement avec les grands groupes pour la survie de l'activité dans sa circonscription. Il est également un ardent défenseur de l'écologie et de l'urgence climatique ; il y voit aussi un gisement d'emplois qu'il faut avoir le courage de mettre en œuvre. Un homme pragmatique ! note-t-elle.
Le programme du candidat
Pour faire barrage à l'extrême droite sous ses différentes acceptions, le candidat entend faire campagne pour constituer un gouvernement de coalition ouvert aux partis du pacte républicain. Vichy, une fois, pas deux ! Son crédo de campagne ! écrit-elle. Sous son égide, il appelle la Droite et la Gauche de gouvernement à travailler de concert pour ne plus laisser d'espace aux discours haineux. Ici, ce n'est pas chez nous ! Ce discours, en cette veille de 2e tour, trouve un écho très profond dans l'opinion publique bousculée par la peur du basculement dans le radicalisme, mais aussi auprès de ceux qui sont lassés de voter par dépit et par colère.
Victor Confiant incarne l'image du double renouvellement à la fois de l'action, mais également du personnel politique. Un message très fort adressé à la Nation. Il ne se présente pas comme un « candidat normal » en relevant que « cette expression marque le degré zéro de la politique. Pour résoudre les crises, il ne faut pas être normal, mais au contraire un peu fou, en tout cas amoureux du Bien Commun ! »
La journaliste croit avoir bien cerné ce candidat atypique. Les sondages avaient prévu le séisme du premier tour, une extrême droite victorieuse, mais pas le fait qu'elle ait réussi avec son fort poison le tour de force de faire éliminer le Président sortant. Se hissant contre toute attente au second tour, Victor Confiant reste en lice avec le champion de la table rase en refusant de lui accorder une autre dénomination.
Le dernier meeting de campagne clôture cette campagne décidément pas comme les autres. Les attaques se sont faites virulentes durant la semaine écoulée, mais Victor Confiant n'y répond plus ; il entend prendre de la hauteur.
Laure Léry ajoute cette fois pour elle-même les informations obtenues en off qui ne sont pas bonnes à dire. Certains ont bien cherché des affaires et autre vilenies dans son passé, mais ils en ont été pour leurs frais. En réalité, personne ne connait vraiment le candidat. Un sphinx disent certains. Rien ne transparaît de ce qu'il pense vraiment dit-on. Il incarne un candidat irréprochable, trop pour être sincère du point de vue des vieux routiers de la politique. On a tous des "casseroles" en politique ou alors on ne dure pas. Ralliés cependant à sa cause, ses anciens ennemis sont présents dans le parterre du Palais Omnisport de Bercy. Ils se lèvent pour accueillir le candidat sous des ovations nourries qui cessent lorsqu'il prend la parole...
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