Analyse-Livres & Culture pour tous
5 Février 2014
Repères : thème du sport : vers et prose
Exercices corporels
Dans l’article précédent, il a été mis en évidence la différence culturelle que revêt le sport sous différentes contrées. Nous verrons aujourd’hui que le sport répond à une nécessité, au développement naturel du corps. Nous avons besoin d’exercices pour être en forme. Ce besoin naturel se fait ressentir avec plus d’acuité durant l’enfance.
Dans l’extrait qui vous est proposé, Jean-Jacques Rousseau revient sur cette question de liberté du corps qui va de pair avec l’apprentissage du risque et du danger.
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"Loin d’être attentif à éviter qu’Emile ne se blesse, je serais fort fâché qu’il ne se blessât jamais, et qu’il grandît sans connaître la douleur. Souffrir est la première chose qu’il doit apprendre, et celle qu’il aura le plus grand besoin de savoir. Il semble que les enfans ne soient petits et faibles que pour prendre ces importantes leçons sans danger. Si l’enfant tombe de son haut, il ne se cassera pas la jambe ; s’il se frappe avec un bâton, il ne se cassera pas le bras ; s’il saisit un fer tranchant, il ne serrera guère, et ne se coupera pas bien avant. Je ne sache pas qu’on ait jamais vu d’enfant en liberté se tuer, s’estropier ni se faire un mal considérable, à moins qu’on ne l’ait indiscrètement exposé sur des lieux élevés, ou seul autour du feu, ou qu’on n’ait laissé des instruments dangereux à sa portée. Que dire de ces magasins de machines qu’on rassemble autour d’un enfant pour l’armer de toutes pièces contre la douleur, jusqu’à ce que, devenu grand, il reste à sa merci, sans courage & sans expérience, qu’il se croie mort à la première piqûre et s’évanouisse en voyant la première goutte de son sang ? (…)
Au lieu de le laisser croupir dans l’air usé d’une chambre, qu’on le mène journellement au milieu d’un pré. Là, qu’il coure, lui s’ébatte, qu’il tombe cent fois le jour, tant mieux : en apprendra plus tôt à se relever. Le bien-être de la liberté rachète beaucoup de blessures. Mon élève aura souvent des contusions ; en revanche, il sera toujours gai. Si les vôtres en ont moins, ils sont toujours contrariés, toujours enchaînés, toujours tristes. Je doute que le profit soit de leur côté.
Un autre progrès rend aux enfans la plainte moins nécessaire : c’est celui de leurs forces. Pouvant plus par eux-mêmes, ils ont un besoin moins fréquent de recourir à autrui. Avec leur force se développe la connaissance qui les met en état de la diriger. C’est à ce second degré que commence proprement la vie de l’individu ; c’est alors qu’il prend la conscience de lui-même. La mémoire étend le sentiment de l’identité sur tous les moments de son existence ; il devient véritablement un, le même, et par conséquent déjà capable de bonheur ou de misère. Il importe donc de commencer à le considérer ici comme un être moral."
L’Emile, JJ Rousseau (livre 2)
http://fr.wikisource.org/wiki/%C3%89mile,_ou_De_l%E2%80%99%C3%A9ducation/%C3%89dition_1782/Livre_II
Repères à suivre : hygiène de vie